Le «largage» de la Maison Chevalier de Québec fait des remous

Quelque 177 acteurs du milieu de l’histoire, du patrimoine et de la muséologie s’opposent à la vente de la Maison Chevalier à Québec et demandent à la ministre de la Culture, Nathalie Roy, que le bâtiment patrimonial soit financé et de nouveau accessible.
« L’État choisit de s’en départir plutôt que de donner les moyens au Musée de la civilisation de le mettre en valeur. Ça crée un dangereux précédent. Ce sera quoi, le prochain morceau du patrimoine québécois à être vendu à des intérêts privés ? » lance le président de la Société historique de Québec, Alex Tremblay-Lamarche.
Il est à l’origine de la rédaction d’une lettre qui sera envoyée à la ministre et qui rassemble des dizaines de signataires. Ces derniers demandent que la maison reste la possession « de l’ensemble des Québécois ». « Alors que le gouvernement Legault se targue de mettre en valeur l’histoire du Québec avec son projet de créer des Espaces bleus au coût de 259 millions de dollars, il est ironique de voir un patrimoine préexistant ainsi largué », peut-on lire dans la lettre. Un budget annuel et récurrent est demandé à la ministre de la Culture.
Ce sera quoi, le prochain morceau du patrimoine québécois à être vendu à des intérêts privés ?
L’ex-directeur du Musée de la civilisation de Québec et signataire, Michel Côté, déplore lui aussi cette décision. « Puisque le ministère a déjà fermé le musée de la place Royale, on ferme maintenant le dernier lieu qu’on pouvait visiter et qui explique un peu l’histoire de cet espace, affirme-t-il. C’est une incohérence totale. C’est dommage pour les citoyens et pour les touristes. »
Trop désuète
C’est Gestion 1608, l’un des bras immobiliers du Groupe Tanguay, qui a mis la main sur la Maison Chevalier. La vaste maison construite en 1752 devrait servir de siège social à la filiale immobilière du groupe, qui s’attend à pouvoir y accueillir une quarantaine d’employés.
Le Musée de la civilisation a dit avoir amorcé des démarches pour se départir de la Maison Chevalier dès 2018. Le musée motive sa décision en faisant valoir que la vieille maison était trop désuète pour héberger des expositions, notamment parce que les personnes à mobilité réduite ne pouvaient y avoir accès.
Ce sont de « faux motifs », estime toutefois Michel Côté. « Il y a déjà eu plusieurs expositions dans ce lieu et, de toute façon, les futurs Espaces bleus ne répondront pas plus aux normes », dit-il.
Alex Tremblay-Lamarche ajoute que la Maison Chevalier était un espace enrichissant d’un point de vue historique. « On proposait des intérieurs du XVIIe, du XVIIIe et du XIXe siècle. On était dans ce à quoi pouvait ressembler une maison, une cuisine, une chambre à coucher de la place Royale au début de la colonie et, par la suite, à l’époque de Papineau. Ça permettait vraiment de s’immerger dans l’histoire », dit-il.
Il s’agit d’une maison unique d’un point de vue architectural, renchérit Michel Côté. « Ça représente bien le patrimoine de la Nouvelle-France, et qui servait de lieu de diffusion. On perd un lieu de médiation culturelle », dit-il.
Une conférence de presse aura lieu lundi matin et réunira l’ancienne ministre de la Culture et des Communications Agnès Maltais, l’ethnologue Pierre Lahoud ainsi que l’historien Joseph Gagné, tous signataires de la lettre.