Les identités brouillées d’Alexandra « Spicey » Landé

« Je ressens beaucoup d’émotions, très intenses. On continue d’avancer, tous les jours, pour concrétiser mon idée », raconte au «Devoir» Alexandra « Spicey » Landé, interviewée à quelques jours de la première au théâtre Maisonneuve. C’est la première fois que son travail est programmé dans ce théâtre de près de 1500 places.
Photo: Photos Valérian Mazataud Le Devoir « Je ressens beaucoup d’émotions, très intenses. On continue d’avancer, tous les jours, pour concrétiser mon idée », raconte au «Devoir» Alexandra « Spicey » Landé, interviewée à quelques jours de la première au théâtre Maisonneuve. C’est la première fois que son travail est programmé dans ce théâtre de près de 1500 places.

Son dernier spectacle sur scène s’est déroulé la veille du premier confinement, en mars 2020. Des mois de pandémie plus tard, la compagnie Ebnfloh revient avec une toute nouvelle création, La probabilité du néant. La pièce explore les différentes facettes de notre humanité, de témoin à victime, en jouant avec les probabilités que ces statuts s’interchangent et se mélangent jusqu’à devenir incertains, explique la directrice de la compagnie, Alexandra « Spicey » Landé, qui fait ainsi son entrée par la grande porte chez Danse Danse.

« Je ressens beaucoup d’émotions, très intenses. On continue d’avancer, tous les jours, pour concrétiser mon idée », raconte au Devoir Alexandra « Spicey » Landé, interviewée à quelques jours de la première au théâtre Maisonneuve. C’est la première fois que son travail est programmé dans ce théâtre de près de 1500 places. « Ça fait longtemps que [le directeur de Danse Danse] Pierre Des Marais suit mon travail, il était présent dès le début, se souvient-elle. Danse Danse nous a offert plusieurs résidences, notre relation ne date pas d’hier. »

Lorsqu’elle a appris que La probabilité du néant serait présentée dans une salle aussi imposante, la chorégraphe a dû faire face à plusieurs défis, notamment la distance avec le public. « Mon esthétique chorégraphique est dans la proximité avec l’audience. Je ne peux pas voir mon travail, naturellement frontal, en face à face, avec une grande distance entre les artistes et les spectateurs », explique-t-elle. C’est donc pour cette raison qu’elle a décidé d’inviter le public directement sur la scène, un choix qui lui permet de « garder son essence ». « Le streetdance, c’est des cyphers, des battles… et tout ça, c’est la base de la culture hip-hop, qui se crée avec des membres toujours proches, dans la rencontre », explique la créatrice qui a fondé sa compagnie en 2015.

 
S’interroger sur le monde
 

L’idée derrière La probabilité du néant est née en 2019, alors que la pièce In Ward était en représentation. « Ça grouillait dans ma tête. Je suis toujours très obsédée par les relations que l’on a entre nous, comment on vit au quotidien, la psychologie humaine… et là, j’ai eu un fort intérêt pour la position du témoin », se souvient-elle. La créatrice s’est questionnée sur les différentes perspectives vécues par un individu qui se retrouverait malgré lui mêlé à une scène tragique dans son quotidien.

« Si le témoin ne fait rien, il peut être considéré comme l’agresseur. Les perspectives peuvent vite être brouillées, se mélanger », réfléchit-elle. La créatrice a pris pour point de départ ces différentes visions du monde pour montrer qu’il n’y a pas de « vérité universelle » et qu’en déplaçant même un seul élément, parfois, tout peut changer.

Ces situations font aussi écho à une certaine inertie qu’Alexandra « Spicey » Landé observe tous les jours. « On est souvent témoins, mais on ne fait rien. Et si tu ne fais rien, il n’y a rien qui se passe. Il y a une indifférence qui plane dans notre société. Ça amène une sorte de néant », poursuit-elle.

Pendant la création, Alexandra « Spicey » Landé s’est beaucoup laissé porter, avec ses danseurs, dans la recherche. « Je donne des suggestions très claires, en jeu, dans le corps, dans des concepts. Puis les artistes freestylent. Après ça, on définit un peu plus », raconte-t-elle. La directrice de compagnie avoue avoir fait davantage appel à la chorégraphie que d’ordinaire. « Je crée des archétypes pour chacun [des danseurs], dans une esthétique assez hip-hop, mais ils gardent toujours leur individualité. »

Cependant, elle laisse toujours une grande place à l’improvisation, au freestyle, élément essentiel de la culture hip-hop. « C’est notre réalité, notre forme, notre façon de vivre notre art, conclut-elle. C’est grâce à ça qu’on peut partager une tranche de vie, ressentir la vie à travers le show. »

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Des danseuses répètent le spectacle La probabilité du néant, dans lequel la chorégraphe laisse une grande place aux collaborateurs. L’improvisation et le freestyle sont des éléments essentiels de la culture hip-hop.

La probabilité du néant

D’Alexandra « Spicey » Landé. Interprètes et collaborateurs à la création : Nindy Banks, Ja James « Jigsaw » Britton Johnson, Jaleesa « Tealeaf » Coligny, Kosisochukwu « Kosi » Eze, James-Lee « Kiddi » Joseph, Christina « Hurricane Tina » Paquette, Alexandre « Bibiman » Philippe-Beaudoin, Elie-Anne « Rawss » Ross. Une production de Ebnfloh. Au théâtre Maisonneuve, du 5 au 9 octobre.

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