J’aime les nuits de Montréal

Sur le thème « Reconquérir la vie nocturne de notre métropole », la Ville de Montréal présente, mardi et mercredi, son premier sommet (virtuel) sur l’état et l’avenir de la vie nocturne urbaine. L’événement baptisé « Montréal au sommet de la nuit » sera l’occasion de comparer les initiatives des grandes villes européennes et nord-américaines en matière de développement de la vie culturelle et économique de nuit, et de mesurer le retard qu’accuse Montréal sur ces questions.
Un diagnostic de l’activité nocturne montréalaise que Le Devoir a consulté sera dévoilé, accompagné de trois grandes recommandations favorisant la création, attendue depuis longtemps, d’une véritable politique de la vie nocturne.
Rédigé par des chercheurs de l’UQAM et de l’Université McGill avec l’appui du regroupement MTL 24/24 militant pour une reconnaissance de l’apport culturel et économique des activités nocturnes, le rapport Diagnostic sur la vie nocturne à Montréal offre une perspective « globale et ouverte » des enjeux liés à la nuit, estime un de ses auteurs, le professeur d’Études urbaines médiatiques de l’Université McGill, Will Straw : « Il n’est pas seulement question des boîtes de nuit dans ce rapport, mais aussi de la vie du travail de nuit ; pas seulement le droit de faire du bruit, mais aussi celui d’être en sécurité la nuit », souligne-t-il.
S’appuyant sur des études sur le sujet menées ici et surtout ailleurs dans les grandes métropoles, l’équipe de chercheurs fait un « diagnostic de la situation, des enjeux, des besoins, des opportunités, des acteurs, ainsi que des recommandations en lien avec la vie nocturne » à Montréal. Le groupe de recherche recommande ainsi aux décideurs de « documenter et de comprendre la vie nocturne », d’« établir des principes pour gouverner la nuit » et de « réfléchir [à] la réglementation » et de la « revoir ».
Mieux encadrer les activités
Ce sommet représente une étape dans un processus de consultation et de mobilisation des acteurs du milieu dans l’objectif d’accoucher d’une politique de la nuit, explique Luc Rabouin, maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et membre du comité exécutif.
« Nous sommes en action pour discuter d’un plan de match. Le sommet est l’occasion d’avoir une conversation autour de cet enjeu qui est important pour nous. » Luc Rabouin n’a pas voulu se prononcer sur la mise en œuvre des recommandations du rapport, qui comprend la mise sur pied de comités consultatifs ciblés, d’une plateforme sur l’économie et la vie nocturne ou la création d’un Observatoire de la nuit abordant d’autres aspects que la seule question des nuisances sonores.
Pour le professeur Straw cependant, bien que de nouvelles études soient encore nécessaires, les autorités municipales se doivent de proposer des mesures concrètes pour mieux encadrer les activités nocturnes et favoriser le développement de celles-ci : « On sait déjà que les boîtes de nuit ferment en raison des plaintes de bruit. On sait qu’il y a des problèmes de transport, de mobilité, durant la nuit. Les organisateurs d’événements culturels nocturnes ont toujours des problèmes avec les trois ordres de gouvernements et la police. On ne vient pas de découvrir ces problèmes, ils existent depuis longtemps. J’ai l’impression que la Ville sait qu’elle doit agir, notamment après avoir mis en place un processus pour nommer un “commissaire de la nuit”. »
« Depuis des décennies, Montréal se vante de ses nuits, mais on n’a jamais vraiment pris le temps de se questionner à propos de la manière dont ces nuits sont gouvernées et appuyées » par les autorités, soulève Will Straw, qui sera le premier conférencier invité à parler mardi, après l’allocution de Valérie Plante en ouverture. « Je crois que c’est le moment idéal pour organiser ce premier sommet, surtout après la pandémie » qui a asphyxié le night life montréalais.
Nuits déconfinées
Si la question de l’après-pandémie sera débattue durant le sommet, il faudra également se pencher sur la vie nocturne en plein déconfinement, une réflexion déjà entamée à Paris, confirme son chef de projet politique de la nuit, Thierry Charlois : « On essaie de favoriser des activités le soir et la nuit en plein air, par exemple en autorisant les bars à installer des terrasses éphémères plus grandes et en faisant un appel à projets pour qu’aient lieu des événements artistiques. »
Depuis des décennies, Montréal se vante de ses nuits, mais on n’a jamais vraiment pris le temps de se questionner à propos de la manière dont ces nuits sont gouvernées et appuyées
En attendant que les Parisiens puissent retourner en discothèque — ce qui pourrait survenir dès le début juillet —, certaines boîtes de nuit se sont regroupées pour aménager des pistes de danse en plein air. La Ville de Paris prévoit également rendre accessibles des sites sous le périphérique pour que se tiennent des soirées électroniques, loin des quartiers habités, dans le but d’éviter des fêtes illégales comme celles qui ont eu lieu ces derniers jours aux Invalides.
Luc Rabouin suit ces débordements de près : « On voit beaucoup de monde dans nos parcs faire la fête, et on espère que la réouverture des bars et des terrasses aidera à répartir la tension », dit-il en attendant le passage à la zone verte… qui, reconnaît-il, ne permettra pas aux boîtes de nuit montréalaises d’accueillir à nouveau les noctambules. « J , la position de la Santé publique — de Montréal et du Québec —, c’est vraiment une posture de prudence. Après, quelles mesures pourrait-on mettre en place ? Des projets-pilotes, comme ce qui se fait en Europe ? Jusqu’à maintenant, on n’a pas eu l’autorisation de le faire, ce qui ne veut pas dire qu’on ne cherche pas à lancer ces projets. »