Ces entreprises québécoises qui relancent le spectacle aux États-Unis

Scènes grandioses, éclairage mobile, terrain de football motorisé… Des entreprises québécoises préparent les grands rassemblements festifs du « monde d’après », en commençant par ceux des États-Unis.
Par une journée caniculaire de début juin, les employés sont très occupés dans l’entrepôt de 1850 mètres carrés de l’entreprise montréalaise Solotech à Las Vegas. Des projecteurs, des consoles, de l’équipement de sonorisation et même des instruments de musique destinés aux spectacles de Lady Gaga et de Michael Bublé quitteront bientôt l’endroit où ils ont été entassés pendant des mois afin de faire leur entrée en salle.
« On est très excités de recommencer les spectacles », dit Shaimaa El-Sayed, la gestionnaire des opérations pour l’entreprise qui loue, vend et intègre de l’équipement de scène.
« Tout ce qui a été arrêté du jour au lendemain, en raison de la pandémie, devrait reprendre dans les six prochaines semaines », estime Mickey Curbishley, président de la division Solutions événementielles de Solotech pour les États-Unis et le Royaume-Uni.
Alors que seuls de petits événements seront permis au Québec cet été, l’entreprise Stageline, basée à L’Assomption, a déjà plusieurs contrats pour mettre en place de grandes scènes aux États-Unis dès le mois de juillet. « On voit une réouverture quasi totale aux États-Unis poindre très rapidement et toute l’organisation est à l’extrême dernière minute », souligne le directeur des opérations, Pierre-Luc Rompré.
Le premier grand défi de Stageline sera de monter la scène du spectacle d’inauguration de l’Allegiant Stadium, le 3 juillet à Las Vegas. « On en a eu la confirmation le 1er juin, alors qu’habituellement un événement de cette envergure, ça se négocie de six à neuf mois d’avance », indique M. Rompré.
Les legs de la pandémie
C’est donc un casse-tête logistique et une course contre la montre qui s’amorcent pour M. Rompré et son équipe. Il est d’ailleurs complexe de faire voyager les techniciens québécois aux États-Unis, en raison de la quarantaine imposée au retour au Canada.
Le directeur des opérations s’attend à ce que beaucoup d’autres contrats soient ainsi conclus dans l’urgence, au moins pour la prochaine année. « Les gens vont être réticents à s’engager à l’avance pour confirmer et réserver des équipements, parce qu’ils vont craindre de nouvelles restrictions de la part des gouvernements », croit M. Rompré.
En parallèle, Stageline recrute et forme du nouveau personnel en prévision de 2022, qui sera, selon l’entreprise, « la plus grosse année qu’on ait vue pour l’événementiel ».
Il n’y a pas que Stageline qui va laisser sa marque à l’Allegiant Stadium. Les Industries Show Canada, de Laval, ont terminé récemment la motorisation du terrain de football des Raiders de Las Vegas. « Le terrain sur lequel les parties seront jouées est en gazon naturel, explique le président-directeur général, Jean Labadie. Comme le stade est fermé, la seule façon pour le gazon de survivre est de le sortir dehors. On enlève 22 colonnes du côté ouest pour que le terrain prenne son bain de soleil, se fasse arroser et revienne à sa place pour les parties. »
Les Industries Show Canada sont aussi en train de finaliser la mise en place d’une « sphère miroir munie de diodes électroluminescentes » de près de 20 mètres de diamètre dans le nouvel hôtel Resorts World, qui doit ouvrir à la fin du mois. L’installation sera animée par une autre entreprise québécoise, Moment Factory. Pour sa part, Céline Dion chantera au Resorts World à partir de novembre. « Notre sortie de pandémie est prometteuse. Il y a eu une sécheresse mondiale dans le divertissement et là, il y a un appétit. On a beaucoup de demandes, si bien qu’on a dû refuser des contrats », rapporte M. Labadie.
L’étincelle du Cirque du Soleil
Parmi les spectacles les plus attendus de Las Vegas, il y a sans aucun doute ceux du Cirque du Soleil. Et dans le théâtre O, à l’hôtel-casino Bellagio, 75 artistes et 165 techniciens travaillent avec enthousiasme à ce que le spectacle aquatique soit fin prêt pour un triomphe le 1er juillet.
Gabrielle Lepage est l’une de ceux-là. Comme toutes les personnes qui pénètrent dans le théâtre en ce moment, la nageuse synchronisée originaire de Montréal a dû suivre un protocole sanitaire strict : test de dépistage de la COVID-19 régulier, prise quotidienne de température, port du masque hors de la piscine. « Ça en vaut la peine. C’est mon job de rêve », s’exclame la jeune femme de 29 ans, rencontrée quelques heures avant sa répétition.
« Quand j’ai eu 18 ans, ma mère m’a amenée voir O à Las Vegas pour mon anniversaire. Dix ans plus tard, presque jour pour jour, je faisais ma première performance avec le Cirque », raconte-t-elle, des étoiles dans les yeux.
Après qu’elle a rejoint le Cirque en septembre 2019, la pandémie l’a forcée après quelques mois à retourner au Québec, où elle a commencé une maîtrise en administration. C’est avec joie qu’elle a appris, il y a un peu plus d’un mois, qu’elle pouvait reprendre l’expérience là où elle l’avait laissée.
Il y a eu une sécheresse mondiale dans le divertissement et là, il y a un appétit. On a beaucoup de demandes, si bien qu’on a dû refuser des contrats.
« Nous avons en tout six semaines pour nous remettre en forme avant le spectacle. Mais nous sommes déjà bons dans l’eau. Nous sommes capables de faire des morceaux au complet », dit celle qui espère contribuer au spectacle pendant au moins cinq ans.
Le vice-président aux opérations du Cirque à Las Vegas, Matthew Nickel, est lui aussi très satisfait de l’état d’avancement du spectacle. La représentation sera la même qu’avant la pandémie, à une différence près.
« Nous allons limiter le contact entre les artistes et les spectateurs. Les clowns, par exemple, qui vont habituellement dans le public, vont garder leurs distances », indique-t-il, assis dans la loge du théâtre de 1800 places, qui pourront toutes être occupées. Pendant ce temps, des acrobates répètent sur la scène aqueuse. Ils font grimper des balançoires russes avant de plonger dans le bassin de presque huit mètres de profondeur.
« L’étincelle du Cirque est de retour, mais avec des mesures pour protéger la santé de tout le monde », conclut-il.
Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.