Une «nounounerie» de plus au Larousse

Sans surprise, la pandémie fait une entrée remarquée dans la nouvelle édition du Petit Larousse 2022. La distanciation physique, la quatorzaine, l’immunité collective, les confinements, déconfinements et reconfinements sont entrés au dictionnaire et dans nos conversations quotidiennes, alors que le terme asymptomatique a commencé à désigner des individus plutôt qu’à qualifier des maladies.

Le Larousse propose aussi encore cette année une sélection de mots dits de la francophonie avec quelques morceaux choisis du Québec, dont le discutable « nounounerie » pour une « bêtise » ou une « stupidité », les mots « échouerie » et « bien-cuit », et enfin la « vigile », pour désigner un « rassemblement de personnes pour commémorer un événement, généralement tragique ».

Submergé par le vocabulaire foisonnant ayant émergé de la pandémie, le Larousse aurait retenu un peu moins de mots dits de la francophonie cette année, constate Benoît Melançon, professeur de littérature à l’Université de Montréal et auteur du blogue L’Oreille tendue.

Le choix des mots issus de la francophonie, que ce soit du Québec, de l’île de la Réunion, de Belgique, d’Algérie ou d’Aquitaine, est généralement, selon les dictionnaires, issu de discussions avec des conseillers locaux, confirme M. Melançon. « Ce sont des choses qui ne sont jamais dites très clairement », dit-il. On y trouve aussi, forcément, une part de subjectivité. Il se souvient par exemple d’une année où, tant Le Larousse que Le Petit Robert s’étaient engagés à accepter un mot soumis par des auditeurs de Radio-Canada au concours J’ajoute un québécisme au dictionnaire, organisé en 2008. Or, Alain Rey, qui représentait Le Petit Robert, avait instantanément été séduit par le mot « guidoune », qui fit son entrée chez Robert cette année-là.

Même la pandémie ne se déroule pas toujours dans le même français des deux côtés de l’Atlantique, alors que le Larousse modifie le sens du mot masque, qui sert traditionnellement à dissimuler, pour faire ressortir sa fonction de barrière. « Là-bas, on n’entend pas beaucoup le mot couvre-visage », souligne M. Melançon. Si elle a tout de même réagi promptement à la pandémie, l’équipe du Larousse ne peut que suivre le courant. Ainsi, le mot « vaccinodrome », apparu en France, que souligne Benoît Melançon, n’est pas dans l’édition de 2022.

Quelle francophonie ?

Pour la linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin, les dictionnaires français, Le Larousse et Le Petit Robert « font des efforts entre guillemets pour introduire les mots de la francophonie. Mais cela sous-entend que la France ne fait pas partie de cette francophonie. Ça me heurte toujours un peu, comme si on parlait du centre et de la périphérie », dit-elle.

Or, les dictionnaires exhaustifs de la langue québécoise sont rares. « Il y a Usito qui est fait au Québec, et qui est disponible en ligne uniquement », mentionne Anne-Marie Beaudoin-Bégin. Elle signale aussi deux initiatives françaises de création d’un dictionnaire de la langue québécoise, respectivement le dictionnaire du français plus à l’usage des francophones d’Amérique, de Hachette et le dictionnaire québécois d’aujourd’hui, de la maison Robert, qui n’ont pas bien fonctionné auprès du public. « Les deux ont été des flops. Les Québécois ne les ont pas acceptés. Ils n’acceptaient pas cette manière de présenter la norme », dit-elle.

Il faut dire que l’avènement des correcteurs en ligne a probablement beaucoup modifié notre relation avec les dictionnaires. « Je ne sais pas à quel point les jeunes d’aujourd’hui utilisent Le Larousse ou Le Robert », dit-elle.

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