Le cirque, dernier refuge pour des jeunes en itinérance

Lorsqu’elle s’est présentée à l’urgence d’un hôpital de Calgary pour la première fois, à l’âge de 14 ans, Gaby Torres Martinez s’est fait demander par une infirmière à quoi elle tenait encore dans sa vie. « J’ai répondu le cirque social Green Fools », dit-elle. Aujourd’hui âgée de 20 ans, Gaby est inscrite à l’Université de Calgary et elle est formatrice en cirque social : « J’ai apprécié l’acceptation totale que m’ont fournie les animateurs de cirque social et j’essaie d’être aussi ouverte avec les jeunes que j’entraîne aujourd’hui. »
Elle participait mercredi à une table ronde virtuelle qui donnait le coup d’envoi à plusieurs jours d’activités organisées par le Cirque Hors Piste de Montréal, autour du cirque comme facteur de transformation sociale en temps de pandémie.
Alors que les services offerts aux jeunes en situation d’itinérance ont rétréci avec la crise, Hors Piste a réussi à en maintenir, en respectant les mesures de distanciation sociale, depuis l’été dernier. Pendant ce temps, le nombre de lits en refuge chutait de 30 à 50 % et les places en centres de jour de 75 %, sans parler de l’accès aux autres ressources. Dans ce contexte, le cirque social est parfois la seule porte ouverte où ces jeunes peuvent se sentir épaulés et en sécurité, où ils sont acceptés dans leur marginalité et invités à être eux-mêmes.
Selon des données présentées par le Réseau d’intervention de proximité auprès des jeunes de la rue, les références en santé mentale ont chuté de 50 % en 2020 par rapport aux trois années précédentes. Le fait que des jeunes consomment, plus souvent seuls, des drogues de moindre qualité à cause de la pandémie accroît les risques de surdose. Le besoin d’un foyer, d’un accompagnement est criant.
Il faut dire que le cirque social est plus qu’un cirque. « Le cirque social peut sauver la vie des jeunes, dit Gaby Torres Martinez. Ouvrez l’espace et regardez-les fleurir. » Parfois, c’est un repas qu’on partage en respectant la distanciation, comme en témoignait Marilou Vinet, intervenante pour le Cirque Hors Piste. Le cirque social crée des communautés, comme le raconte Eleftérios Kechagioglou, directeur du Plus petit cirque du monde (CCPM) à Bayeux et cofondateur de CARAVAN Circus Network, un réseau international de cirque social. Foncièrement ouvert à des disciplines diverses, de l’acrobatie à la jonglerie et au clown, selon la personnalité et les habiletés de ses membres, le cirque est un terreau fertile pour voir grandir des jeunes marginalisés.
Tous les jours jusqu’à la fin du week-end, 100 jeunes à risque d’itinérance de 15 communautés du Canada participeront à une activité de création collective organisée par Hors Piste. On espère ainsi aider à briser leur isolement et à leur donner l’occasion de s’impliquer dans leur communauté.
Le volet national du Cirque Hors Piste porte le nom de Cirkaskina, qui veut dire « tous ensemble » en langue atikamekw. L’activité regroupera d’ailleurs des membres de communautés à travers le Canada, de Vancouver à Saint John’s en passant Montréal et par les communautés inuit d’Igloolik ou de Quujjuaq. Cirkaskina compte également des membres dans les communautés atikamekw de Wemontaci et de Manawan.
Au Nunavik, où l’organisme Cirqiniq organise des activités dans 14 communautés depuis plusieurs années, la pandémie a forcé des leaders à prendre en charge les ateliers de cirque, se réjouit Rebecca Devi Leonard, qui fait partie du projet SoCirc à Toronto, et qui a été coordinatrice/instructrice à Cirqiniq.