Les projets affluent pour la bibliothèque Saint-Sulpice

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est encore propriétaire de l’édifice de style Beaux-Arts, dessiné par l’architecte Eugène Payette (1874-1959).
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est encore propriétaire de l’édifice de style Beaux-Arts, dessiné par l’architecte Eugène Payette (1874-1959).

La bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal, suscite une grande convoitise. Rarement a-t-on vu autant d’agitation pour penser une nouvelle mission à un bâtiment patrimonial, surtout pour un édifice qui réclame des rénovations compliquées et urgentes, comme le révélait Le Devoir il y a quelques jours. Le café de la Louve du Festival du nouveau cinéma (FNC), la Maison de la chanson de Monique Giroux et le musée de la Fondation Riopelle envisagent de s’y installer. Un musée de l’histoire québécoise et une Maison de la littérature et des lettres ont été réclamés. Tour de piste des nombreuses idées en jeu. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est encore propriétaire de l’édifice de style Beaux-Arts, dessiné par l’architecte Eugène Payette (1874-1959). Depuis que son projet de bibliothèque technologique pour adolescents a été stoppé net en décembre dernier, d’autres idées, plus ou moins abouties, fusent pour trouver la prochaine vocation du lieu. Et c’est le ministère de la Culture qui a la responsabilité de choisir.

Le Festival du nouveau cinéma (FNC) propose d’y installer son café de la Louve. Ce projet, bichonné depuis 2014 et dont Le Devoir a obtenu copie, veut faire de Saint-Sulpice un lieu de rencontre, de diffusion et de création autour du cinéma et des nouveaux médias. Le directeur général, Nicolas Girard-Deltruc, rappelle que le FNC célébrera son 50e anniversaire en 2021 ; à l’étroit dans ses actuels locaux, le festival aimerait s’étendre artistiquement en une programmation annuelle continue.

Le café de la Louve proposerait, en plus de la diffusion de films, des conférences et des classes de maître. Le cœur du projet est un café-restaurant. Sis dans la grande salle de lecture du premier étage, il l’exploiterait intégralement (tables incluses) la transformant en lieu de rencontre et en bibliothèque numérique du cinéma et des médias. Ce café, avec l’actuel auditorium du rez-de-chaussée qui deviendrait cinéma, permet au FNC de viser l’autonomie financière en cinq ans.

« L’intégrité du bâtiment sera respectée et servira d’identité au projet », peut-on lire dans la présentation. Seuls les deux derniers étages seraient rénovés profondément : le magasin de livres serait démonté pour pouvoir accueillir les bureaux. Le projet est pensé en fonction des espaces actuels du bâtiment. Il prévoit en deuxième phase de faire de la maison du gardien des résidences d’artistes, et en troisième phase d’ouvrir une terrasse extérieure à l’arrière.

Monique Giroux, de son côté, aspire à installer à Saint-Sulpice sa Maison de la chanson et de la musique. On y trouverait, lit-on dans la description du projet, des « présentations multimédias et interactives, découvertes musicales, exposition et conservation de trésors d’archives de nos artistes ». Là aussi, l’auditorium garderait sa fonction pour accueillir notes et mots. Mme Giroux souhaite « avoir un endroit — on aimerait que ce soit Saint-Sulpice — avec des portes qui s’ouvrent sur tout ce que peut être la chanson : une expo lumineuse et flyée électro d’Alys Roby et de sa vie, par exemple. Pendant qu’en bas trois artistes de rap répètent en résidence un show concept. Et le soir, t’as une master class avec Pierre Lapointe », illustre la femme de radio en entrevue.

Ce projet s’articulerait autour d’un partenariat avec BAnQ. « Nous, on ne va pas prendre possession au nom de notre organisme sans but lucratif, vous imaginez bien, d’un bâtiment comme ça. On souhaite arriver à rassembler leur collection nationale et leurs archives sur la musique en un lieu qu’on animerait, avec toutes les possibilités créatrices qui sont les nôtres, et tous les contacts qu’on a. » Des investisseurs privés ? « Pas encore, on est à la recherche de ça. » Le projet ne bénéficie pas de subventions à ce jour. D’autres partenaires hors BAnQ ? « Non. C’est le seul. »

Or, il est hors de question pour BAnQ de reprendre les rênes d’une nouvelle restauration de la bibliothèque Saint-Sulpice. « On nous a donné Saint-Sulpice pour y créer des espaces technologiques pour les jeunes, répète le président-directeur général, Jean-Louis Roy. Si on ne crée plus ces espaces, notre intérêt pour ce qui arrive à Saint-Sulpice est simplement le même que celui qu’aurait tout citoyen. J’imagine que quand il y aura un projet retenu par le gouvernement, il y aura passation de propriété. On n’a pas de mandat pour dire si on préfère ou non un projet. Si le projet retenu rejoint directement ou indirectement les missions et mandats de BAnQ, il est vraisemblable qu’il y aura des coopérations, comme on en a avec la Société historique de Montréal ou l’UQAM, par exemple. On n’a aucun pouvoir, et aucune envie non plus d’être partie prenante de la décision concernant la bibliothèque Saint-Sulpice. »

Le futur musée Riopelle ?

Québec solidaire en appelait récemment à faire de Saint-Sulpice une Maison des lettres et de la littérature québécoise. Une inspiration appuyée par l’Association des libraires du Québec, l’Association nationale des éditeurs de livres, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, le Festival international de la littérature. L’idée a été lancée dans les médias seulement, sans documents à l’appui ni étude de faisabilité. Une idée semblable de Maison de la littérature propulsée par lettre ouverte dans les médias circule depuis mardi, portée par des représentants de la Fondation Nelligan, de l’Académie des lettres du Québec et du Centre d’archives Gaston-Miron, entre autres, le but des signataires étant de conserver la vocation de bibliothèque inscrite dans l’architecture même de Saint-Sulpice. Le Musée de l’histoire québécoise proposé par le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, est de la même eau : « Juste une idée pour l’instant », a-t-on confirmé au Devoir.

La Fondation Riopelle a effectué récemment une visite des lieux et termine actuellement son analyse. « Outre la noblesse de redonner son lustre à ce haut lieu du patrimoine québécois, il importe a priori de déterminer le potentiel de conversion muséal », explique la directrice générale, Manon Gauthier, surtout « en lien avec les normes liées aux arts visuels. Considérant les impératifs relatifs à la préservation du mobilier et des éléments patrimoniaux du lieu, la question demeure quant à sa capacité à permettre l’accueil d’un tel projet ».

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