L’État détruit une chapelle historique pour rénover un hôpital

La chapelle conventuelle des Sœurs hospitalières de Victoriaville
Photo: Conseil du patrimoine religieux La chapelle conventuelle des Sœurs hospitalières de Victoriaville

L’État s’apprête à raser la chapelle conventuelle des Sœurs hospitalières de Victoriaville, un bâtiment historique attaché à l’hôpital de l’endroit, l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska. Cette ancienne chapelle des religieuses à l’origine de l’institution appartient au paysage depuis près d’un siècle. Bien que reconnue pour son intérêt patrimonial et son appartenance au tissu urbain de Victoriaville, la chapelle sera tout de même détruite, affirme le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.

Faut-il la préserver ? Oui, selon le ministère de la Culture et des Communications (MCC). Le MCC affirme au Devoir avoir fait le nécessaire pour que soit conservé ce bâtiment, érigé en plusieurs phases dans l’entre-deux-guerres.

À en croire le MCC, « la ministre Nathalie Roy a discuté du dossier dès qu’elle en a été informée avec sa collègue Danielle McCann, à l’époque ministre de la Santé, et ce, afin que la chapelle puisse être préservée dans le cadre des travaux touchant l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska ». Dans la foulée, explique le MCC, le ministère dirigé par Nathalie Roy a même procédé à « une évaluation patrimoniale ». Celle-ci a été « transmise, pour considération, aux deux entités responsables de la réalisation du projet, soit la SQI et le MSSS ». Qu’est-ce que cela a donné ? Rien, si on en juge par la volonté bien affirmée du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec d’aller de l’avant avec la démolition, comme prévu dès le début.

Cette démolition n’est-elle pas contraire à la loi de l’État en matière de protection du patrimoine ?

L’État a la charge de montrer l’exemple, confirme au Devoir le MCC, tout en avouant que les entorses sont, en vérité, très nombreuses. Ce que la vérificatrice générale a d’ailleurs documenté, en juin dernier, dans un rapport où la mauvaise gestion des bâtiments anciens de l’État était montrée du doigt.

Selon le MCC, « l’élaboration du projet est toujours en cours et la chapelle devrait être conservée pour en faire partie ». Cette perspective heureuse s’avère cependant taillée en pièces par le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, déjà très engagé dans une avenue différente. Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec confirme au Devoir que la chapelle sera rasée, bien qu’il reconnaisse d’emblée sa valeur historique.

Le projet, plusieurs fois évoqué, avait finalement été lancé en décembre 2019 par le ministre de la Santé et des Services sociaux. La destruction s’inscrit au cœur même de ce projet attendu depuis plusieurs années et qui vise à agrandir et à réaménager l’urgence et les soins critiques de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska.

« La démolition de la chapelle extérieure est prévue lors de ces travaux », confirme sans ambiguïté au Devoir le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.

Pas de remise en question

 

Au Conseil du patrimoine religieux du Québec (CPRQ), l’organisme qui soutient la préservation de pareil héritage, on indique ne pas avoir été prévenu de ce projet de destruction piloté par l’État. C’est l’État du Québec qui finance les activités du CPRQ. Informé par Le Devoir, l’organisme affirme qu’il va prêter attention à cette situation.

Pour sa part, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec indique qu’il n’entend pas du tout remettre en question sa décision de détruire la chapelle, tout en répétant qu’« il est important de spécifier que nous reconnaissons la valeur historique que peut avoir cette bâtisse patrimoniale pour la communauté ».

Situé dans le secteur d’Arthabaska, une ville autrefois majeure, notamment en raison de la présence de Wilfrid Laurier, premier ministre du Canada, et du bouillant député nationaliste Armand Lavergne, la municipalité comprend encore plusieurs maisons et édifices ancestraux uniques. Bien visible, cette chapelle donne une partie de son cachet historique à l’endroit.

Un souci du patrimoine

 

Malgré le fait qu’il s’apprête à démolir ce bâtiment, le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec maintient qu’il a le souci du patrimoine puisqu’il entend « conserver, récupérer, voire réinterpréter des éléments architecturaux de la chapelle afin de les intégrer dans la nouvelle construction ».

Alors que le ministère de la Culture affirme que la chapelle sera préservée, le CIUSSS affirme plutôt au Devoir que « des comités de travail sont en cours, en collaboration avec la Ville de Victoriaville et le ministère de la Culture et des Communications, afin d’évaluer les options pour mettre en valeur le patrimoine » dans le cadre d’une démolition inéluctable. La question de la démolition n’est même plus à l’heure du débat, selon le CIUSSS. « Nous sommes présentement à l’étape du Dossier d’affaires (D.A.). Nous sommes à élaborer le concept du projet avec des ingénieurs et architectes. » Tout cela devrait d’ailleurs être terminé d’ici le printemps 2023.

Depuis son acquisition en juillet 2014, la chapelle a connu différentes vocations. Plusieurs aspects architecturaux ont été conservés pour que le caractère historique des lieux soit préservé.

 

« Il y a beaucoup de rattrapage à faire en matière d’exemplarité de l’État en regard des bâtiments patrimoniaux de son parc immobilier », indique le MCC, tout en imputant immédiatement la faute aux gouvernements passés. « Ce rattrapage » à faire, affirme en effet le MCC, « est en grande partie dû à la négligence des gouvernements précédents ».

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