Des employés du MBAM dénoncent une gestion «toxique»

Dans leur lettre, des employés du Musée des beaux-arts de Montréal font état d’un climat de «peur» et de «stress», affirmant que les employés n’avaient jamais leur mot à dire.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Dans leur lettre, des employés du Musée des beaux-arts de Montréal font état d’un climat de «peur» et de «stress», affirmant que les employés n’avaient jamais leur mot à dire.

Intimidation, harcèlement, manque d’écoute et de collaboration : des employés du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) brisent le silence en donnant leur version de l’histoire dans la saga entourant le congédiement de l’ancienne directrice générale Nathalie Bondil. Ils dénoncent une gestion du travail « autoritaire » et « toxique » sous sa gouverne et se portent à la défense du conseil d’administration, qui se devait d’intervenir, selon eux.

« Harcèlement et intimidation récurrents devant témoins ont ponctué nos journées. Ces pratiques étaient tolérées, et même cautionnées par l’ancienne directrice générale. Les griefs étaient aussi bloqués et des collègues étaient mis au placard à répétition », témoignent d’une même voix plus d’une centaine d’employés et d’ex-employés dans une lettre envoyée au Devoir.

Le 13 juillet dernier, Nathalie Bondil — qui dirigeait le musée depuis 2007 et dont le mandat allait jusqu’en 2021 — s’est fait montrer la porte par le CA. Ce dernier a justifié sa décision par le refus de Mme Bondil de s’attaquer aux problèmes de harcèlement psychologique au Musée.

Au lendemain de son renvoi, celle-ci s’était dite victime d’un « lynchage » de la part du CA, qui aurait « pris le contrôle » sur le MBAM. Selon elle, son congédiement découle surtout de ses critiques du processus de sélection qui a mené à l’embauche récente de Mary-Dailey Desmarais — membre d’une famille très influente au MBAM — comme directrice de la conservation.

Depuis, le sujet continue de faire débat et polarise le milieu, ce qui a poussé des employés à vouloir remettre les pendules à l’heure et braquer les projecteurs sur le problème initial : le climat de travail « malsain » qui régnait depuis des mois.

Dans leur lettre, ils font état d’un climat de « peur » et de « stress », affirmant que les employés n’avaient jamais leur mot à dire, que ce soit pour critiquer « la gestion intimidante » ou faire valoir leurs idées sur les différents projets. « Sous sa direction, nos voix n’étaient pas entendues. Nos idées étaient pour la plupart rejetées ou encore reformulées par une directrice générale plus préoccupée par sa réputation personnelle que par celle du Musée », écrivent les auteurs.

Ils montrent également du doigt la « microgestion » de Mme Bondil. Dans l’attente perpétuelle de son approbation, leur travail était paralysé et ils devaient surmonter continuellement des situations d’urgence, disent-ils.

Malheureux dans leur travail, nombre d’employés ont décidé de quitter l’institution dans les dernières années, indique Richard Gagnier, chef du service de la restauration au MBAM, qui compte parmi les signataires. « C’est une faillite lamentable, dit-il en entrevue. C’est de la responsabilité d’une directrice de veiller au bien-être de ses employés. Surtout dans un milieu comme celui de l’art, où on se donne comme valeur l’épanouissement de l’individu par le bien-être. »

Un changement radical

 

Depuis le départ de Mme Bondil, le climat a radicalement changé, assure, pour sa part, Anne Grace, une autre signataire, qui travaille au MBAM depuis 2007. « C’est une toute nouvelle dynamique. Les employés se sentent écoutés, respectés, et il y a un vrai travail de collaboration. On est tous très excités pour les projets à venir », fait valoir celle qui est conservatrice de l’art moderne.

À ses yeux, le CA a pris une décision difficile, mais nécessaire en montrant la porte à Nathalie Bondil. Elle regrette que ce dernier soit maintenant montré du doigt, accusé d’ingérence et de manque de transparence de la part de l’ancienne directrice générale.

Dans le doute, la ministre de la Culture, Nathalie Roy, a décidé le 16 juillet dernier de mandater une firme indépendante pour déterminer s’il y a un « problème de gouvernance » au Musée, et cela, aux frais du gouvernement.

Deux semaines plus tard, une centaine de membres du MBAM ont lancé une pétition pour réclamer la tenue d’une assemblée extraordinaire afin que le CA s’explique et que soit envisagé le remplacement de onze de ses membres, dont son président, Michel de la Chenelière. Une demande rejetée par le CA dans les jours suivants.

Son instigateur, Thomas Bastien — un ancien de la direction du MBAM — est d’ailleurs critiqué par les auteurs de la lettre, qui remettent en question ses motivations. Ce dernier aurait été mis au courant, selon eux, « du compte rendu explicite de la direction du syndicat sur le climat de travail toxique », à la demande du CA. « Comment peut-il affirmer, aujourd’hui, que le conseil a outrepassé les règles de bonne gouvernance ? C’est honteux ! », écrivent-ils.

Joint par Le Devoir, M. Bastien insiste, pour sa part, sur la nécessité de rendre public, au moins aux membres du MBAM, le rapport sur le climat du musée réalisé par une firme indépendante de ressources humaines, rendu le 28 février au CA. Ce rapport, que le CA refuse de dévoiler pour des raisons de confidentialité des témoignages, pourrait pourtant valider ce que M. Bastien qualifie de « graves allégations » visant Mme Bondil, plaide-t-il.

De son côté, Nathalie Bondil a indiqué au Devoir ne pas être « en guerre » contre le Musée ni ses équipes qu’elle « aime tant ». « Je suis profondément bouleversée, car je vois tant d’amis dans cette liste. J’ai conscience des pressions qu’ils vivent. J’attends que les faits soient révélés et je fais confiance au processus en cours », a-t-elle précisé par courriel.

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