Rendez-vous intimiste avec Michelle Obama

Acteur de plus en plus massif de l’univers du balado, Spotify a lancé un gros canon mercredi avec The Michelle Obama Podcast, que cette dernière a inauguré, elle, avec « quelqu’un de spécial ». (Euphémisme)
« Pour ceux qui ne reconnaissent pas la voix, je vous présente Barack Obama. »
« C’est moi ! » s’exclame l’ex-président, de sa voix pourtant reconnaissable entre toutes.
« C’est toi, lui répond-elle. C’est toi. »
L’ensemble est signé par la maison de production des Obama, Higher Ground, qui a conclu en mai 2018 une entente sur plusieurs années avec le géant Netflix — et qui a notamment donné naissance au documentaire oscarisé American Factory.
Ce que certains ont nommé « le deuxième acte de la carrière des Obama » se poursuit désormais, également, sur Spotify.
Questionnée sur les détails de cet accord, la compagnie suédoise est restée vague. « Le partenariat unique entre Michelle Obama, qui est reconnue et admirée globalement, et Spotify, la plateforme de podcasts la plus innovante et à la croissance la plus rapide au monde, offre une occasion incroyable aux nouveaux fans et à ceux qui l’étaient déjà », nous a-t-on répondu.
Même chose pour le nombre d’auditeurs qui se sont plongés dans l’épisode au jour un. Seule information disponible : le balado s’est hissé au deuxième rang des plus écoutés sur la plateforme au Canada.
Si les précisions sont pour le moins floues, il est vrai que les admirateurs de l’ancienne première dame trouveront ici tout ce qu’ils apprécient d’elle.
Intimiste et rassembleur
La production du balado émission est efficace, doucement rythmée par des interludes musicaux. Le principal est signé Stevie Wonder. Black Truck, de Mereba résonne aussi. « I’m not sorry », chante-t-elle. « Je ne suis pas désolée. »
Car l’ancienne première dame parle franchement d’éducation, de relations, des aléas de la parentalité.
Nous ne sommes pas dans le podcast humoristique, historique ou de crime-réalité, genres prisés du moment.
Nous sommes dans une discussion présentée de façon plus épurée et posée que celles que mène notamment Joe Rogan — soit le controversé animateur à la popularité colossale qui quittera lui aussi, sous peu, son adorée chaîne YouTube pour atterrir en exclusivité sur Spotify.
À la fois intimiste et rassembleur, le ton de Michelle O. se situe quelque part dans ce délicat espace entre la confidence chuchotée et le discours inspirant. C’est celui qu’elle emploie dans ses multiples conférences données devant un grand, très grand public.
Celui qu’elle utilise pour aborder à nouveau les thèmes qui lui sont chers, et que l’on retrouvait dans Becoming, son autobiographie au succès gigantesque, parue en novembre 2018.
Celle-là même que, selon un article paru dans The Atlantic, Barack Obama s’est plu à dire que Michelle « n’avait pas écrite toute seule ». « Le 44e président se sent en compétition avec sa femme, dont le livre est en voie de devenir l’autobiographie la plus vendue de l’histoire », arguait le journaliste, soulignant que Barack était « jaloux » que l’écriture de son propre récit de vie n’avance pas aussi vite.
Ça, c’est pour le passage potins. Notons néanmoins que l’aspect intime est important, car il fait partie de l’essence du balado.
Comme dans Becoming, le documentaire sur la tournée littéraire de Michelle Obama sorti sur Netflix en mai, il n’est pas question ici de grands débats sur les projets de loi, de relations internationales, d’« Obamacare ».
Même si Michelle O. se désole que tant de citoyens ne votent pas — et que « les jeunes sachent davantage de choses sur leur marque de céréales que sur leur gouvernement » —, elle parle surtout de famille, de force du nombre, et du proverbe africain selon lequel « il faut tout un village pour élever un enfant ».
Bref, ceux qui cherchent un podcast politique pur et dur à la FiveThirtyEight ne le trouveront pas ici. Ils trouveront plutôt le ton rassurant des époux, leurs taquineries et leurs phrases laissant entendre que peut-être, qui sait, un jour, Michelle O. se lancera dans la course à la présidence.
Comme la première fois
Sur Twitter, le mot-clic #TheMichelleObamaPodcast rassemble déjà une trâlée de témoignages accompagnés d’émojis de bonhommes qui pleurent et signés par des auditeurs se disant « émus aux larmes », touchés droit au cœur, remplis d’espoir par cet échange.
Effet recherché, assurément. « Nous nous efforçons de donner à nos 299 millions d’utilisateurs l’accès aux créateurs qui les passionnent, les intéressent et les divertissent, nous a souligné Spotify au sujet des ambitions réservées à ce balado. Si vous aimez Michelle Obama, elle fera partie de votre profil. Vous aurez également l’occasion d’entendre une perspective entièrement nouvelle, plus que tout ce qu’elle a jamais fait auparavant. »
Ceux qui suivent les multiples apparitions de la célébrissime animatrice reconnaîtront pourtant quelques anecdotes. Comme le sentiment de solitude ressenti lorsqu’elle travaillait en tant qu’avocate. Et le bonheur trouvé en travaillant auprès des communautés de Chicago, en aidant autrui.
Car celle qu’Oprah qualifie de rockstar sait raconter. Même si certaines de ses histoires l’ont été plusieurs fois, elles sonnent encore, presque, spontanées.
Lorsque Barack et elle se souviennent de leur rencontre, par exemple, on se dit presque « comme c’est mignon qu’ils s’en parlent ». Alors qu’ils l’ont sûrement revisitée des milliers de fois, notamment dans le film biographique retraçant leur romance, Southside with You, dont ils semblent rejouer des touches de dialogue.
« Tu trouves que je suis mignon ? » demandait à l’écran le Barack romancé.
Ici, lorsque Michelle Obama commence à dire : « L’une des raisons pour lesquelles je suis tombée amoureuse de toi… », le Barack réel lui répond : «… Oh, ce n’était pas juste pour ma belle gueule ? »
Armés de ce cool qui a fait leur renommée, les époux qui sortent chaque année la liste de leur trame sonore d’été parlent souvent au « nous ». Mais pas nous, comme seulement eux deux. Nous comme dans le slogan de Barack Obama, nous comme la collectivité, nous comme l’humanité.
« You’re the Yes We Can Man », lui lance en outre sa compagne, saluant l’« optimisme éternel » de son mari, et assénant un petit jab au successeur qui l’a remplacé à la Maison-Blanche : « En tant qu’ex-président qui lit, et qui connaît l’histoire… » Un moment de flottement. « Faison une pause pour réfléchir à cette phrase. »