La culture en saura bientôt plus sur son déconfinement

C’est au tour de la culture et des communications de recevoir de Québec un plan d’aide financière et un programme de déconfinement pour les spectacles des arts de la scène et les tournages.
L’annonce de mesures de soutien adaptées aux secteurs concernés sera faite ce lundi dans le cadre de la conférence de 13 h du premier ministre. François Legault sera accompagné pour l’occasion de Nathalie Roy, titulaire du ministère de la Culture et des Communications (MCCQ).
La ministre Roy va présenter les grandes lignes de son plan d’urgence, assorties des sommes totales proposées. Les détails des budgets par secteurs d’activité seront annoncés après la conférence de presse par voie de communiqué.
Par contre, toujours selon les informations obtenues par Le Devoir, Québec ne prévoit pas de compensations pour les pertes de ventes de billets à la suite de l’annulation des spectacles depuis la mi-mars. Ces seules sommes totalisent des millions de dollars.
Les consignes et exigences concernant la reprise des activités de groupe, notamment pour les tournages d’émissions de télévision ou de films comme pour les répétitions de spectacle, seront aussi connues cette semaines. Le secteur des arts de la scène doit recevoir jeudi les consignes précises des spécialistes de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
« Nous avons été convoqués par les gens de la CNESST le 4 juin, indique au Devoir Christine Bouchard, directrice générale d’En Piste. Dans le milieu, les artistes ont hâte de réintégrer les studios, de répéter, de créer. La situation leur donne envie de le faire. »
« Quand on pratique un art du corps, il est fondamental d’être en studio, remarque-t-elle. Ça fait trois mois que les artistes n’y sont plus. » Les dommages seront grands, précise-t-elle. « La remise en forme prendra du temps. »
Mais les balises annoncées cette semaine ne devraient pas permettre à court terme la reprise de répétitions de spectacles ou de tournages ne pouvant respecter les mesures de distanciation physique.
Le plan culturel de Québec arrive après de récentes sorties critiques de personnalités du milieu. Une lettre ouverte à la ministre Roy du metteur en scène Olivier Kemeid, déplorant ne pas être appuyé ou pris au sérieux par Québec, a été appuyée par des centaines de signataires. « Neuf semaines. Les artistes ont attendu neuf semaines, pendant lesquelles, du côté du gouvernement québécois, ce fut, pour rester poli, la grande discrétion, et pour être franc, le silence complet », mentionne la lettre publiée la semaine dernière.
Du travail se faisait tout de même en coulisse. Le MCCQ a mis en place une structure de consultation pour comprendre les effets de la crise et les actions souhaitées pour la relance. Six comités ont été créés dans les secteurs suivants : arts de la scène et diffusion ; audiovisuel ; musées, métiers d’art et galeries d’art ; livre, médias ; et finalement, patrimoine. Au total, les agents du ministère ont tenu une quinzaine de rencontres avec des délégués de ces secteurs depuis le début avril.
Le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles ont recueilli des données « sur les pertes anticipées, les incidences sur la programmation, les contraintes des mesures sanitaires sur l’audiovisuel, ou sur les ventes de disques ou de livres », selon les informations transmises par le MCCQ.
Le réseau professionnel des arts du cirque, qui regroupe plus de 400 membres au Canada, faisait partie du comité de consultation arts de la scène et diffusion. En début de semaine dernière, un plan a été déposé au ministère de la Culture et des Communications. Auparavant, un comité de travail a été formé, afin de maximiser les chances de réussite. « Le Cirque du Soleil était avec nous, Les 7 Doigts, le Cirque Éloize, la TOHU, l’École nationale, l’École de Québec… Nous avons presque écrit un protocole, un guide de gestion sanitaire, en nous disant que cela pourrait aider à favoriser un retour », explique Christine Bouchard.
Le ministère a lancé ces chantiers pour élaborer des guides visant à encadrer la reprise des activités tout en veillant à la sécurité des employés et du public. Au moins une représentante de la Santé publique et des experts de la CNESST ont participé aux réunions préparatoires.
Un de ces guides encadre la reprise des visites dans les musées et les bibliothèques depuis le week-end. Deux autres guides sont en préparation, un pour le secteur de l’audiovisuel et un autre pour les arts de la scène. C’est ce dernier qui pourrait être dévoilé à la fin de la semaine. Entre quinze et trente organismes ont siégé à cette table de concertation.
Le Conseil québécois du théâtre (CQT) en faisait partie. L’organisme, regroupant toutes les forces vives du secteur, a proposé le 15 mai ses propres scénarios de reprise (à court terme) et de relance (à moyen terme) pour la saison 2020-2021. La planification se fait en quatre phases, liant en cascade la réouverture des espaces de travail (1), puis la reprise des espaces de recherche et d’innovation (2), la réouverture progressive des lieux de diffusion (3) et, finalement, la relance complète (4), pour ainsi dire le retour à la normale d’avant la crise de la COVID-19.
Pour le CQT, les phases 1 et 2 pourraient s’entreprendre en même temps, très prochainement. La troisième phase nécessiterait l’annulation ou le report de portions des programmations prévues impossibles à adapter aux mesures sanitaires. En clair : le solo, oui ; une pièce de Shakespeare à quinze sur scène, non.
« L’annonce d’une réouverture progressive des salles de spectacles insufflerait un vent d’optimisme, d’autant plus que les arts et la culture jouent un rôle primordial pour la santé mentale et spirituelle de toute la population », dit le document du CQT.
La quatrième phase, celle sans règles de distanciation, nécessiterait une campagne nationale de communication orchestrée par le MCCQ, exigence qui serait déjà entérinée par le ministère. Le projet demande de huit à douze semaines d’avis et de préparation en amont de la date officielle de reprise.
Reste à voir si la Santé publique ou la CNESST permettront le retour à la normale. La représentante de la Santé publique a répété que la distanciation physique dans les salles et sur la scène serait non négociable jusqu’à l’arrivée d’un vaccin, selon des déclarations de la présidente du CQT la semaine dernière. Cette exigence pourrait reporter la réouverture de deux ans, voire plus.