Le CAC devance son financement

Le directeur et chef de direction du Conseil des arts du Canada, Simon Brault
Photo: Pedro Ruiz Archives Le Devoir Le directeur et chef de direction du Conseil des arts du Canada, Simon Brault

Le Conseil des arts du Canada (CAC) versera 60 millions de dollars en financement anticipé aux organismes culturels qu’il subventionne pour leur permettre de demeurer vivants malgré la crise du coronavirus. Il s’agit du tiers du financement prévu pour l’année 2020-2021, qui débute le 1er avril. Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, a dit en entrevue au Devoir souhaiter d’abord et avant tout que les compagnies puissent se servir de cet argent pour maintenir leur lien d’emploi avec leurs employés salariés ainsi qu’avec les travailleurs autonomes et les artistes. Cette orientation vise entre autres à préparer une meilleure sortie de crise pour le monde des arts canadiens.

Le directeur et chef de direction du CAC dit avoir eu des « contacts quotidiens » avec le gouvernement fédéral, pour s’assurer que les mesures puissent s’adapter aux « spécificités du monde des arts ».

Par ailleurs, il ne saurait être question de « récupérer toutes les pertes encourues par le milieu », dit-il, en remboursant par exemple des revenus perdus de billetterie, comme certains organismes l’avaient espéré. « On n’est pas dans une logique de compensation », a-t-il dit, précisant que d’autres secteurs, ceux du tourisme, de la restauration, des fonds de pension, par exemple, devront également essuyer des pertes.

« Il va y avoir des pertes »

Les mesures prises par le Conseil des arts du Canada visent davantage à permettre aux organismes de « passer à travers la crise », « sans perdre leur expertise ». Ce sont les subventions de base, qui permettent aux organismes de fonctionner, qui sont visées par cette mesure.

Ainsi, c’est le maintien du lien d’emploi avec le personnel comme avec les artistes et les travailleurs autonomes qui est privilégié.

« On ne peut obliger les employeurs » à garder leurs employés, dit-il. « Mais soyez certain qu’au moment d’honorer la subvention, la première question que le Conseil va poser, c’est : “avez-vous honoré vos liens avec les travailleurs autonomes et les artistes ?”. »

Simon Brault ajoute d’ailleurs que, dans plusieurs cas, la subvention du Conseil des arts du Canada pourrait permettre aux employeurs de couvrir la part restante à verser (25 %) après la subvention des salaires de 75 % offerte aux entreprises aujourd’hui par Ottawa.

En entrevue, M. Brault a reconnu que l’ensemble des volets internationaux de la programmation culturelle canadienne était compromis pour l’été. Certains festivals ont été ou seront vraisemblablement annulés dans leur totalité. L’évolution de la crise déterminera par ailleurs les décisions gouvernementales concernant les mesures de confinement en sol canadien.

« Il va y avoir des pertes », a reconnu Simon Brault, qui précise que le financement devancé du CAC vise surtout à éviter que « les compagnies implosent ».

Alors que la période de « black-out » complet pour l’industrie avait d’abord été prévue jusqu’à la fin du mois de juin, dit-il, on prévoit désormais qu’elle s’étendra jusqu’à la fin du mois de juillet.

Pour l’heure, le Conseil des arts du Canada a adopté cette orientation pour ne pas lui-même se mettre en difficulté. « Ils ont décidé de la somme en fonction des liquidités qu’ils avaient », dit Fabienne Cabado, directrice générale du Regroupement québécois de la danse. Au fil de l’année qui vient, le CAC pourrait éventuellement procéder de la même façon auprès des organismes pour distribuer les deux tiers restants de son budget de subventions.

Dans le milieu des arts, les annonces du CAC continuent de générer des inquiétudes, notamment en raison de la très grande diversité des organismes œuvrant dans le secteur. « Les Grands Ballets canadiens ont des danseurs salariés, dit Fabienne Cabado. S’ils ont 35 danseurs qui ne font rien, ils vont être obligés de les mettre au chômage. »

« Ce que recommande le CAC, c’est le paiement des cachets pour les spectacles qui n’ont pas eu lieu ou pour les répétitions qui ont été annulées. »

Par ailleurs, un flou demeure quant aux projets de tournées qui sont suspendus, tout autant qu’aux subventions qui les soutenaient. 

Un allègement pour la radiodiffusion

Les défis opérationnels, jumelés à d’importantes baisses de revenus publicitaires, pèsent lourd sur le milieu de la radiodiffusion, à qui Ottawa offre unrépit. Il a été annoncé lundi que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) n’enverra pas de lettres demandant aux quelque 107 radiodiffuseurs d’acquitter les droits de licence de la partie I pour l’exercice 2020-2021. Le gouvernement transférera les fonds nécessaires au CRTC pour soutenir ses activités. Seront ainsi libérés plus de 30 millions de dollars qui serviront à nourrir les radios et télévisions du pays, qui, par ailleurs, doivent « mettre les bouchées doubles » pour produire des bulletins de nouvelles et des émissions d’information jugés essentiels en ces temps de pandémie.


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