Les saisons de Justin Bieber

Nouveau simple, nouvelle tournée, nouvelle série. Après des années houleuses marquées par un ralentissement créatif, Justin Bieber met la gomme. Mais avant de reprendre la route, il prend le chemin de YouTube avec Seasons, un documentaire en dix parties racontant des parcelles de sa vie. Première scène du premier épisode : nous sommes en novembre 2015 sur le plateau d’Ellen DeGeneres. Justin B. annonce une série de concerts accompagnant son album, Purpose. S’ensuivent des images d’arénas bondés, de lumières stroboscopiques. Puis, des voix hors champ de journalistes rendent compte de l’annulation de plusieurs spectacles. « Justin a sombré dans un trou noir. » « J’espère qu’il va bien. »
Quelques années plus tard, il va mieux. En tout cas, il semble mieux aller. Ce qui l’a aidé ? Son mariage — ou plutôt ses deux mariages — avec le mannequin Hailey Baldwin. Et ce moment magique où Ariana Grande l’a invité à chanter avec elle au festival Coachella, en avril dernier.
C’est du moins ce que nous apprennent les premiers segments de Seasons. Qui explorent, par ailleurs, des filons déjà abordés en 2011 dans le film Never Say Never, réalisé par Jon M. Chu. On pense à l’entourage omniprésent (étouffant ?) du chanteur. Aux cris des groupies. Aux images d’archives le montrant jouant de la guitare sur les marches du Avalon Theater de son Stratford natal, l’étui ouvert pour recueillir les sous des passants.
Mais dans Seasons, tout est plus rapide. Dix minutes par épisode, et c’est bouclé. Arpentant un stationnement, se déplaçant en espadrilles à roulettes (pour vrai) ou composant en studio, Justin Bieber a l’air d’un homme plus… posé. Et accompagné presque partout de son épouse, Hailey. Celle-là même à qui il dédie sa plus récente composition, Yummy. À la caméra, il déclare : « Avec elle, tout paraît meilleur. » À sa femme, il répète : « Tu fais tout paraître meilleur, bébé. » Ensemble, ils vont visiter le Stratford de son enfance. Cette ville qu’il juge toujours « géniale ».
Justin au musée
C’est dans cette même ville de quelque 31 500 habitants que se tient depuis février 2018 l’exposition Steps to Stardom. Consacrée à la vie de Bieber, elle devait au départ durer un an. Mais puisque 20 000 personnes se sont pointées, le directeur général du Stratford Perth Museum, John Kastner, a déclaré : « On ne peut pas arrêter. » Steps to Stardom a été renouvelée pour 2019. De nouveau, plusieurs milliers de fans venus du Japon, de France et d’Australie ont arpenté ses 1000 pieds carrés. Résultat ? Steps continuera de marcher jusqu’en décembre 2020. « Pour mettre ces chiffres en perspective : lors de ma première année en poste, en 2013, nous avons eu 853 visiteurs », confie John Kastner, encore stupéfait par ce succès. Précisons que 70 % des gens qui posent le pied dans son institution viennent visiter l’exposition de Bieber et que 95 % de la marchandise qui y est vendue porte le sceau de la vedette de la pop. D’ailleurs, depuis que J. B. a annoncé qu’il repart en tournée, le d.g. a remarqué une hausse de la fréquentation. « Assez marquée, considérant que nous sommes au sud de l’Ontario, en plein milieu de l’hiver. »
C’est dans la maison des grands-parents de la popstar que la créatrice de l’exposition, Micaela Fitzsimmons, et le directeur ont déniché plusieurs des artefacts présentés. Des pancartes bricolées à la main par des admirateurs éperdus. Une lettre signée par Michelle Obama. Une paire de baskets. Le cube Rubik avec lequel Justin jouait quand il était petit. « Je ne sais pas où j’ai planqué mon diplôme d’université, dit en riant John Kastner, et ses grands-parents, eux, ont eu la perspicacité de garder sa carte de bibliothèque. »
Pour la petite histoire, John raconte qu’avant de travailler au musée, il était rédacteur en chef du journal local. À savoir, le Stratford Beacon Herald, qui appartenait à l’époque à Québecor. Il a donc commencé à couvrir la carrière du musicien alors que ce dernier était encore gamin. « Je me souviens de sa mère, Pattie, nous disant que Justin allait signer un contrat. Quelques semaines plus tard, il était sur le plateau de Good Morning America. »
Anecdote marrante, ce n’est que récemment, à l’occasion d’un voyage à Londres, que John K. a réalisé à quel point son jeune compatriote est adulé. « Lors d’un seul après-midi, j’ai vu une photo de Justin au musée de cire de Madame Tussauds, entendu un mec qui chantait un de ses succès à Piccadilly Circus, et croisé dans la cathédrale Saint-Paul une fille de Pékin qui portait un t-shirt « Justin Forever ». »
Le sombre sous le succès
Au cours de sa carrière, le chanteur ontarien a souvent été critiqué pour ses agissements… discutables. Comme fumer tellement de marijuana à bord de son avion privé avec son père que les pilotes ont dû enfiler des masques à oxygène. Ou encore, laisser un mot douteux dans le livre des visiteurs de la maison d’Anne Frank, à Amsterdam. « Anne était une fille géniale, avait-il écrit. Avec un peu de chance, elle aurait été une Belieber. » Comprendre : une de ses fans.
Sans vouloir excuser ces actes, la série Seasons rappelle que Bieber a grandi entouré d’adultes qui dépendaient de lui pour gagner leur vie. À 13 ans, il était leur machine à sous. « Jamais quelqu’un n’a été aussi célèbre à l’époque des médias sociaux. Chaque année de son adolescence, il était la personne la plus recherchée sur Google de toute la planète », affirme à l’écran le producteur Scooter Braun. (Celui contre qui Taylor Swift mène une lutte féroce, depuis qu’il a acquis les bandes maîtresses de ses six premiers albums.)
Notons cependant qu’une ombre assombrit le tableau depuis que le site NPR a fait paraître, dimanche, une entrevue avec Selena Gomez. La chanteuse y déclare qu’elle souhaite tourner la page sur les liens compliqués que Justin Bieber et elle ont entretenus pendant des années. Et sur l’abus émotif dont elle dit avoir été victime. Dans ses mots : « Je suis contente que tout cela soit fini. »