«Unikkaaqtuat»: histoires anciennes pour temps nouveau

La première saison du Théâtre autochtone du Centre national des arts se poursuit avec Unikkaaqtuat (« Histoires des temps anciens », en français), un spectacle né d’une collaboration interculturelle (et manifestement fertile) entre Artcirq, compagnie de cirque inuite, Les 7 Doigts, collectif circassien québécois, et Taqqut Productions, compagnie de production cinématographique inuite.
Mis en scène par Neil Christopher, Patrick Léonard, Guillaume Ittukssarjuat Saladin et Terence Uyarak, le spectacle s’appuie sur des traditions orales inuites menacées afin de créer des tableaux visuels, musicaux et acrobatiques qui s’avèrent d’une grande beauté. Poétique, magique et certainement philosophique, jouant un rôle social, voire thérapeutique, en même temps qu’artistique, ce voyage de 90 minutes dans le Grand Nord a ceci de particulier qu’il s’adresse avec intelligence et sensibilité autant aux Inuits qu’aux non-Inuits.
À (re)lire
Au cirque, l’union fait la forceUn jeune homme du Nord, soigné dans un hôpital du Sud, écoute des cassettes sur lesquelles son grand-père narre des histoires inuites sur la Création. Les récits qui s’animent alors sous nos yeux parlent de la naissance de toutes choses. Il y a la terre et l’eau, la faune et la flore, le soleil et la lune, la vie et la mort…
Les dix interprètes incarnent des hommes et des femmes, bien entendu, mais aussi bon nombre d’animaux, comme des chiens courageux, des lapins espiègles, et même un ours majestueux. Alors que les projections campent les différents récits, l’acrobatie les prolonge, représentant la force vive des humains et leur riche relation avec les éléments. Pour accentuer le charme, on peut compter sur la musique (souvent en direct) et les chants (notamment de gorge).
Inspirant
Dans ce périple qui fait appel aux sens plus qu’à l’intellect, qui cherche à évoquer bien plus qu’à expliquer, à transmettre plutôt qu’à traduire, on ne trouve pas le moindre surtitre. On ne comprend pas tout, et c’est très bien comme ça. On se laisse bercer par la langue inuite tout en observant les superbes illustrations de Germaine Arnaktauyok, brillamment mises en mouvement par Neil Christopher.
Il y a beaucoup d’humour, des courses folles, des défis acrobatiques, des ombres affolantes et d’astucieux passages entre le réel de la chambre d’hôpital et l’imaginaire de la cosmogonie inuite, mais il y a aussi quelques moments poignants. L’une des scènes les plus émouvantes montre une naissance : en tirant sur une corde lisse qui fait office de cordon ombilical, tous les membres de la troupe contribuent à ce qu’un enfant voie le jour en émergeant des entrailles de la Terre.
En s’appuyant sur des récits fondateurs, des histoires du passé qui ne survivront que si on ne cesse de les revisiter, les créateurs du spectacle, en grande majorité inuits, interrogent le présent afin de mieux formuler leurs espoirs pour l’avenir. Vous avez dit inspirant ?