De multiples raisons d'être refusé

Le Festival TransAmériques a partagé ses dossiers avec Le Devoir pour illustrer les difficultés d’obtention des visas des artistes venus jouer au Canada lors de sa dernière édition.
Sorour Darabi, interprète et créateur de Savusun. Français d’origine iranienne en finalisation de changement de sexe, M. Darabi jouait au Kunsten de Bruxelles tout de suite après Montréal, enchaînant ensuite les engagements à Vienne, Lisbonne, Gand ou Prague jusqu’en octobre. Son dossier comprenait ces invitations, une attestation d’embauche comme chorégraphe aux Météores, des bulletins de paie.
Son visa a été refusé le 1er avril puis le 7 mai, car l’ambassade n’était pas convaincue que l’artiste quitterait le Canada « compte tenu de la raison de la visite », « compte tenu des perspectives d’emploi limitées dans votre pays », et « compte tenu de vos biens mobiliers et de votre situation financière ».
La demande a été approuvée le 15 mai ; la première du spectacle étant le 24, le FTA a dû penser à l’annulation.

Antonia Naouele, danseuse pour Kalakuta Républik. Après l’acceptation du visa le 1er avril, passeport et dossier ont été déposés au bureau de Yaoundé, au Cameroun, le 16 avril, pour l’impression dudit visa. Plus de nouvelles.
« Les documents n’avaient pas été envoyés au bon endroit » par l’administration, démontre, courriel à l’appui, David Lavoie, directeur général du FTA. «Il a fallu le retrouver, le faire envoyer à Dakar pour qu’eux le retournent à Yaoundé où Antonia l’attendait. »
Le FTA a reporté son billet d’avion trois fois avant de le perdre, a racheté un billet en classe affaires stand-by pour 6983 $. À l’inauguration du FTA, le 21 mai, l’équipe ne sait pas si elle devra annuler le lendemain les trois représentations. Mme Naouele a pu ramasser son passeport le 22 mai à 14 h, se rendre à l’aéroport trois heures plus tard pour un vol à 19 h 45.
« Elle est arrivée le 23 mai à midi, s’est reposée trois heures puis est entrée en salle. »
Jean-Robert Koudogbo, danseur, et Hermann Coulibaly, éclairagiste pour Kalakuta Républik. Après de premiers refus les 18 et 25 avril, les artisans redéposent les dossiers, acceptés, mais le délai est très serré. « On s’est fait dire que les visas se feraient imprimer à Ouagadougou, alors que c’était à Dakar : ce transport a fait qu’ils ne pouvaient venir faire le show. »

Le dossier s’est réglé seulement le lundi suivant le spectacle, le 27 mai, quand ils ont récupéré leurs passeports pour rejoindre à Londres le spectacle, qui débutait là le 30 mai. « On a cru un moment qu’ils rateraient aussi le show de Londres à cause du Canada. »
Seulement pour Kalakuta Républik, les problèmes de visas ont engendré de 12 000 $ à 15 000 $ de pertes pour le FTA « à force de report des billets d’avion, de surcoût, de pertes de billets. Et les spectateurs de Montréal n’ont pu voir le show dans son intégrité. Il manquait un danseur » et des problèmes techniques aux vidéos ont miné la première.
Diana Osumy Sainz, interprète de Granma. Trombones de La Havane. Cubaine, elle dépose son dossier en janvier, un délai serré qui respecte les délais prévus de 26 jours ouvrables. Le 8 mai, l’ambassade du Canada à Cuba ferme. « Il nous a fallu du temps pour retrouver son dossier, qui a connu “un problème de traçabilité et de suivi du traitement du visa”, et qui était rendu à Mexico. Comme elle avait un visa mexicain pour une résidence faite plus tôt dans l’année, elle y est allée 48 heures faire tamponner son visa. C’était impossible par messager, elle n’aurait pu arriver à temps à Montréal. Les frais imprévus de 1500 $ ont été partagés avec Carrefour Théâtre à Québec, qui présentait aussi le spectacle », mentionne M. Lavoie.
Steven Cohen, interprète et créateur de Put Your Heart Under Your Feet… And Walk ! S’il n’a pas connu de problèmes, M. Cohen a trouvé insupportable la lourdeur du processus. On lui a demandé « d’expliquer 10 ans de déplacements et de voyages, les détails sur la naissance de ses parents, trois mois de relevés bancaires, la preuve de sa propriété en France, ses informations biométriques ». Vivant en France, d’origine sud-africaine, il a dû faire deux voyages à Paris pour collecter ses données biométriques puis collecter son visa, à ses frais.
