Point final pour la galerie Trois Points

La galerie d’art Trois Points fermera ses portes le 15 décembre prochain. Cette galerie, l’une des premières à avoir ouvert dans l’édifice du Belgo, rue Sainte-Catherine à Montréal, fêtait cette année ses trente ans d’existence.
Les propriétaires de la galerie, Émilie Grandmont Bérubé et Jean-Michel Bourgeois, ont tous deux décidé de voler vers de nouveaux défis. Historienne de l’art, Émilie Grandmont Bérubé s’est démarquée dans le milieu des arts visuels, notamment en tant que présidente et membre du conseil d’administration de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC). « C’est quelqu’un qui prenait position publiquement sur les enjeux du milieu de l’art », dit Julie Lacroix, directrice de l’AGAC. À ce titre, Mme Grandmont Bérubé s’est impliquée notamment dans les dossiers du droit de suite et du contrat type, ainsi que dans la présentation d’un mémoire pour le renouvellement de la politique culturelle québécoise.
Mme Grandmont Bérubé avait repris en 2009 la galerie de Jocelyne Aumont, ce qui est assez rare dans le milieu de l’art, où les galeries se bâtissent généralement autour de la personnalité d’un seul propriétaire.
La galerie Trois Points a été fondée en 1988 par Éric Devlin, Jocelyne Aumont et Elena Lee. En 1994, seule Jocelyne Aumont reste à sa tête, pour une quinzaine d’années. En 2009, c’est au tour d’Émilie Grandmont Bérubé et de Jean-Michel Bourgeois d’en prendre les rênes. « On avait 24 ans. On était jeunes », dit Émilie Grandmont Bérubé qui en assumera également la direction. Après toutes ces années, Mme Grandmont Bérubé se dit « fatiguée » de pratiquer ce métier difficile. Il y a du « mécénat » dans le métier de galeriste, dit-elle. On donne de son temps, et de son argent, pour soutenir des artistes en lesquels on croit profondément. « Je laissais carte blanche aux artistes, pour les laisser exprimer leur vision de l’espace », dit-elle.
En 2008, lorsque la foire Papier a vu le jour, il y avait 18 galeries participantes. En 2018, il y en avait 40, dont 27 galeries québécoises.
Et malgré les succès de la galerie Trois Points (qui représente notamment les artistes Olga Chagaoutdinova, Milutin Gubash, Richard Mill et Natalie Reis) au cours des dernières années, l’historienne de l’art ne se voit pas prendre la tête d’une autre galerie d’art dans l’avenir. « Les budgets d’acquisition des institutions fondent », dit-elle, ceux des grandes entreprises aussi.
Alors que le Canada s’est doté de bourses de création enviables pour les artistes, le soutien à la vente et à la représentation est déficient, ajoute-t-elle. « Personne n’envie le marché de l’art canadien. »
Montréal a vu quelques galeries d’art fermer depuis deux ans. Cela a été le cas de la galerie Graff en juin 2017, et auparavant des galeries Donald Browne et Dominique Bouffard. Mais d’autres ouvrent aussi leurs portes, fait-elle remarquer. Dans l’édifice du Belgo, le Projet Pangée et la galerie Deux Poissons sont des nouveaux venus.
« En 2008, lorsque la foire Papier a vu le jour, il y avait 18 galeries participantes, rappelle Émilie Grandmont Bérubé. En 2018, il y en avait 40, dont 27 galeries québécoises. » Cela témoigne de la vitalité du milieu, insiste-t-elle.
Reste que le nombre de galeries participantes à la foire Papier stagne depuis quelques années, poursuit Julie Lacroix. Et qu’il n’est pas aisé d’y attirer des acheteurs de l’étranger. « Il est difficile de convertir quelqu’un qui aime bien l’art en acheteur », dit-elle.
Émilie Grandmont Bérubé précise que l’image du galeriste d’art qui roule sur l’or est un mythe. « Les galeristes ne le font pas pour l’argent, confirme Mme Lacroix. Ils font ce qu’ils font parce qu’ils croient à la pratique de l’artiste. »
Une version précédente de cet article, qui indiquait que la galerie Trois Points avait été reprise par Émilie Grandmont Bérubé et Jean-Michel Bourgeois en 2003 et en 2008, a été corrigée. Les deux propriétaires en ont pris les rênes en 2009.
Elle indiquait aussi, erronément, que la galerie L'Inconnue était installée dans l'édifice Belgo.