En (co)présence de l’artiste

Le bibliothécaire Maxime Beaulieu teste Bibliolab, un dispositif qui permet à plusieurs groupes d’échanger en temps réel, à distance.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Le bibliothécaire Maxime Beaulieu teste Bibliolab, un dispositif qui permet à plusieurs groupes d’échanger en temps réel, à distance.

Un cours de musique à l’oreille donné par un violoneux par écran interposé ? Une heure du conte, donnée d’un seul souffle pour les gamins de deux bibliothèques différentes ? Voilà quelques activités de téléprésence que permet le Bibliolab et qui seront testées pendant cette 20e Semaine des bibliothèques publiques sur le terrain, avec les habitués des bibliothèques Père-Ambroise et Frontenac à Montréal.

Bibliolab ? Concrètement, ce sont trois projecteurs, trois barres de son, quelques ordinateurs, trois écrans qui forment un coin. Quand Le Devoir s’est glissé dans la salle d’animation de la bibliothèque Père-Ambroise, les images apparaissaient et disparaissaient de l’écran, pendant que se réglaient les bogues, juste avant le lancement officiel de ce prototype de la Société des arts technologiques (SAT).

Autrement dit, Bibliolab est un dispositif qui permet à deux groupes — peut-être trois, par la suite… — d’échanger, en temps réel, à distance. Une espèce de vidéotéléphone très, très évolué.

Claire Paillon, designer d’expériences pour la SAT, est excitée de « présenter le Bibliolab au public, et de le confronter aux usages réels, en bibliothèque. C’est là qu’on va voir comment les gens, vraiment, y réagissent. On est là pour le mettre à niveau. C’est un prototype, et on vient observer et apprendre ». Quatre activités se donneront cette semaine, à plusieurs reprises. L’heure du conte et le cours de violon, mais aussi un jeu collaboratif pour les jeunes, inspiré de Tabou, « qui permet de vraies rencontres, à travers l’écran, et qui bouge dans l’espace ». Et finalement, des conférences et formations, « qui marchent bien avec le dispositif, mais il faut des communications plus formelles, plus magistrales », précise Mme Paillon.

La force de ce dispositif se déploiera à travers un réseau et dans le partage de compétences. Plus on est nombreux à avoir un Bibliolab, plus ça gagne en valeur ajoutée, plus on peut apprendre les uns des autres.

Car le Bibliolab a ses petites exigences ; et il exige de la part des animateurs un apprentissage. Que ce soit pour son installation ou pour en manipuler les composants — images, sons, etc. — par le biais de l’application qui vulgarise sa régie technique. Mais aussi pour apprendre comment animer, intervenir de manière efficace à la fois pour l’écran et les gens présents dans la salle. Francis Lecavalier, développeur système téléprésence de la SAT, montre le micro catchbox : un gros coussin carré orange qui tient du toutou, qu’on peut échapper, même lancer, mais qu’on doit diriger un peu pour que les spectateurs de lieux lointains captent le son. « Les utilisateurs peuvent être intimidés par un micro traditionnel, et les petits ne savent pas comment le manipuler, alors qu’ils comprennent très rapidement le fonctionnement du catchbox. » Les questions posées par l’animateur gagnent à appeler des réponses assez détaillées plutôt que des « oui », des « non » ou des « moi aussi », afin que le déplacement du micro ne donne pas l’impression d’être inutile ou de créer des temps morts. Le placement du corps dans l’espace doit être conscientisé, pour être capté par la caméra, tout comme le rapport à l’image. Entre autres.

Être ensemble, même de loin

 

« C’est un projet très ambitieux », précise Mme Paillon. « La force de ce dispositif se déploiera à travers un réseau et dans le partage de compétences, poursuit la designer. Plus on est nombreux à avoir un Bibliolab, plus ça gagne en valeur ajoutée, plus on peut apprendre les uns des autres », plus on peut se greffer aux activités des uns et des autres. Des bibliothèques pourraient ainsi partager leurs ressources d’animation, souvent trop maigres.

Mais ne serait-ce pas un étrange choix que d’investir dans un dispositif plutôt qu’en davantage de ressources humaines en bibliothèque ? Au contraire, l’investissement permettrait-il de partager les coûts d’animation ? L’équipe est consciente du paradoxe. « Ça permet de partager les compétences », nomme la bibliothécaire Anne-Marie Lacombe comme un avantage. Exemple ? Celle qui est aussi conteuse, un peu programmeuse, fera une lecture samedi avec de petits et sympathiques robots roulants. La bibliothèque Frontenac bénéficiera de cette corde spécifique que Mme Lacombe a à son arc.

« Bibliolab pourrait très bien être acheté par une municipalité pour servir aussi pour des activités communautaires, ou pour faire du coworking à distance, indique Mme Paillon. Nous, on veut faire du prototype un produit commerciable ». Combien coûte un Biblioab aujourd’hui ? Mme Paillon sourit. « J’ai une idée, mais c’est un montant d’une hauteur qui ne me plaît pas. On veut trouver une manière d’alléger ça », indique-t-elle. « On veut aussi voir jusqu’à quel point on peut écrémer, renchérit M. Lecavalier. Est-ce qu’on a vraiment besoin de trois écrans ? » À la bibliothèque Frontenac, une des projections se faisait directement sur le mur, ce que les couleurs vives de la salle d’animation de Père-Ambroise ne permettent pas. « On veut aussi que ça puisse fonctionner avec des ordinateurs qui ne sont pas nécessairement à la fine pointe de la technologie. »

L’Association des bibliothèques publiques suit avec intérêt les avancées du projet. « C’est intéressant. Mais il est certain que la SAT doit trouver un financement pour la suite des choses pour les bibliothèques, car elles n’ont clairement pas ces sous-là actuellement », a mentionné le président Denis Chouinard.

La programmation de Bibliolab se retrouve sur les site Web de la SAT.

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