La première de «SLĀV» au TNM perturbée

Quelques dizaines de manifestants, majoritairement de la communauté noire de Montréal, se sont rassemblés devant le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) mardi soir pour demander l’annulation du spectacle SLĀV, dont c’était soir de première.
Ils reprochent notamment au spectacle de Robert Lepage, qui met en scène des chants d’esclaves noirs interprétés par Betty Bonifassi, de n'inclure aucune personne noire ni dans sa production ni dans sa distribution, évacuant du coup selon eux la question raciale. Après vérification, deux choristes sur six sont noires.
« Shut it down ! » (annulez la production), ont crié en anglais les manifestants massés sur la rue Sainte-Catherine, en face du théâtre.
Un corridor formé d’une douzaine de policiers permettait aux spectateurs d’entrer à l’intérieur. Ceux-ci se faisaient huer, ainsi que crier « Raciste ! » et « Shame ! » (honte). Quelques petits accrochages ont eu lieu entre les manifestants et le public, mais aucune arrestation n’a été faite.
Le rassemblement a été lancé par Lucas Charlie Rose, un artiste de la communauté noire de Montréal. Il dénonce l’absence de personnes noires dans la production. Le Devoir a toutefois appris ultérieurement que deux choristes sont noires (voir erratum à la fin de l'article). M. Rose dénonce aussi le prix des billets, trop élevé pour bon nombre de citoyens de sa communauté. « On ne peut pas acheter un billet de 60 à 90 $», déplore-t-il.
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SLĀV, pour que résonne la mémoire des asservisRobert Lepage et Betty Bonifassi expliquent leur démarche.
« On demande au minimum une excuse, une prise de conscience, qui démontrerait qu’on comprend ce qui se passe. Sinon, pourquoi ne pas redonner une partie des profits du spectacle aux organismes de la communauté ? C’est un spectacle qui est censé rendre hommage à l’histoire des Noirs, des esclaves », a déclaré Philippe, un participant au rassemblement.
Son amie Christine y est allée d’une comparaison pour illustrer son propos. « Les Québécois francophones n’accepteraient jamais qu’un spectacle sur l’histoire du Québec ne soit organisé et joué que par des anglophones. »
« Notre réponse est sur scène »
La directrice du TNM, Lorraine Pintal, a refusé de commenter les plaintes des manifestants, se contentant de dire : « Notre réponse est sur scène. »
La chanteuse Betty Bonifassi, qui chante depuis quinze ans des chants d’esclaves, a nié faire de l’appropriation culturelle dans une entrevue au journal The Gazette, ce qui a provoqué l’ire de la communauté noire.
La controverse entourant SLAV a commencé avec un billet de la dramaturge et militante Marilou Craft s’interrogeant sur l’absence de personnes noires dans la production, malgré le thème du spectacle. Cette dernière était présente au rassemblement mardi soir, mais a refusé de le commenter, préférant laisser la parole aux organisateurs de la manifestation.
Plus tôt dans l'après-midi, un texte publié sur la page Facebook de Ex Machina, compagnie de Robert Lepage, affirmait que « l’histoire de l’esclavage sous ses multiples formes appartient d’abord à ceux et celles qui l’ont subi, et à tous ceux qui en ont hérité. » « Avons-nous le droit de toucher à ces sujets ? Le public en jugera après avoir assisté au spectacle », ajoutait le texte signé Robert Lepage et Betty Bonifassi.
Une version antérieure de cet article faisait état de l'absence de personne noire dans la production et la distribution du spectacle SLĀV. Après vérification, deux des six choristes sont noires.