Jean-Louis Roy prend les rênes de BAnQ

Délégué général du Québec à Paris, directeur du Centre d’études canadiennes-françaises de l’Université McGill, directeur du «Devoir», historien, auteur… la feuille de route de Jean-Louis Roy est chargée.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir Délégué général du Québec à Paris, directeur du Centre d’études canadiennes-françaises de l’Université McGill, directeur du «Devoir», historien, auteur… la feuille de route de Jean-Louis Roy est chargée.
C’est finalement Jean-Louis Roy — auteur, historien, diplomate et ancien directeur du Devoir — qui dirigera Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour les prochaines années. Le gouvernement Couillard a confirmé mercredi sa nomination comme p.-d.g. de l’institution.

« J’ai été surprise de prime abord, mais il a tout le profil nécessaire, absolument », s’est réjouie Lise Bissonnette, qui a elle-même dirigé BAnQ… et qui avait été nommée rédactrice en chef du Devoir par Jean-Louis Roy, en 1982.

Âgé de 77 ans, M. Roy arrive à BAnQ (où son fonds d’archives personnelles se trouve déjà) armé d’une solide feuille de route : directeur du Centre d’études canadiennes-françaises de l’Université McGill pendant dix ans, puis du Devoir entre 1981 et 1986, il est devenu diplomate par la suite.

Délégué général du Québec à Paris de 1986 à 1990 ; secrétaire général de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (qui est devenu OIF) pendant huit ans ; président du Centre international des droits de la personne, de Droits et Démocratie et du groupe de réflexion Partenariat international, sans compter la direction de l’Observatoire mondial des droits de l’homme : M. Roy est demeuré très actif à toute époque.

À cela s’ajoute un corpus de quelques dizaines de livres — essais, récit, roman, poésie —, dont plusieurs consacrés à l’Afrique et à la francophonie, les deux sujets auxquels on associe le plus spontanément son nom.

Un rôle central

En entretien mercredi après-midi, M. Roy disait avoir accepté cette nouvelle responsabilité notamment parce qu’elle concerne une des questions qui l’interpellent le plus : celle de la place de la culture dans les sociétés actuelles.

Dans plusieurs pays émergents, dit-il, « il y a un immense investissement qui se fait en culture, alors qu’en Occident, on a beaucoup coupé ». Dans ce contexte, le rôle de BAnQ lui apparaît d’autant plus fondamental.

« J’ai une conception très précise de l’importance de la culture, dit-il. BAnQ est au cœur des choses. La Grande Bibliothèque représente autant notre passé que notre avenir. Pour moi, ce n’est pas un lieu ou des collections : c’est le fait que des millions de personnes entrent dans cette bibliothèque, physiquement ou numériquement. Ce n’est pas rien. C’est une institution que les citoyens se sont appropriée de façon remarquable. »

M. Roy attend d’entrer en fonction — le 4 juin — avant d’énoncer les priorités de son mandat. « Je veux prendre contact avec les équipes en place », dit-il.

Long processus

Jean-Louis Roy succède à Christiane Barbe, qui a démissionné en avril 2017. Depuis, c’est Geneviève Pichet qui assumait les fonctions de manière intérimaire.

La ministre de la Culture, Marie Montpetit, estime que « BAnQ aura à sa tête un homme de passion et de convictions. La vaste expérience de M. Roy, tant au Québec qu’à l’international, sera assurément un atout de taille », pense-t-elle.

Si le processus de sélection fut aussi long, c’est notamment parce qu’une première candidature recommandée par le conseil d’administration — Manon Gauthier, ancienne responsable de la culture au comité exécutif de la Ville de Montréal — a été écartée par Québec au début de l’année. Mme Gauthier ne répondait pas à un des critères obligatoires pour accéder aux emplois supérieurs du gouvernement.

« Mais il y a aussi que plusieurs personnes approchées ont dit non, vu l’ampleur de la tâche, indiquait mercredi une source. Les chasseurs de têtes ne connaissaient pas nécessairement le milieu, ça a été compliqué. »

Lise Bissonnette se dit soulagée du choix fait au bout du compte, notamment parce que le gouvernement n’a pas succombé à l’idée de nommer un pur gestionnaire. « Quand vous dirigez une grande institution, avant d’être un gestionnaire au sens administratif, vous devez avoir une vision des choses, une grande culture. BAnQ couvre tout : ça prenait quelqu’un qui a la culture nécessaire pour envisager tout cela et pouvoir maintenir un niveau de direction qui est intellectuellement assez élevé. »

Les capacités de gestion sont importantes, dit-elle. « Il faut s’y intéresser… mais il faut surtout savoir bien s’entourer. »

L’adhésion

Ayant travaillé de près avec Jean-Louis Roy, Lise Bissonnette estime qu’il a toutes les qualités requises pour la fonction. « Je valorise beaucoup les gens qui ont une profondeur culturelle et historique, et c’est son cas. C’est quelqu’un d’une habileté supérieure, d’une grande élégance dans ses relations interpersonnelles. C’est très important dans ce milieu, qui est très tourné vers le service public. Jean-Louis Roy est quelqu’un qui suscite facilement l’adhésion et la complicité. »

Louise Beaudoin, qui a porté le projet de la Grande Bibliothèque quand elle était ministre de la Culture, se montre également enthousiaste. « Ça prenait quelqu’un qui a à la fois l’expérience, la notoriété et la visibilité pour redonner à BAnQ son lustre d’antan. Il y a eu des problèmes financiers, l’absence d’un p.-d.g. Il est temps de redonner son “oumf” à une institution qui est fondamentale. Et je crois qu’il peut faire cela. »

Autre réaction positive à l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED). « Jean-Louis Roy est un intellectuel réputé et un ami des bibliothèques et des archives, indique par courriel le président, Réjean Savard. Nous ne pouvons que nous féliciter de sa nomination. »

Il ajoute que M. Roy « a cependant beaucoup de pain sur la planche. BAnQ a souffert de ne pas avoir de p.-d.g. depuis plus d’un an. On espère que l’institution pourra retrouver sa place de leader dans notre milieu professionnel, et dans le milieu culturel en général. »

Le président régional du syndicat qui représente les employés de BAnQ, Jean-François Sylvestre (SFPQ), a lui aussi salué l’arrivée de M. Roy. « Il a vraiment un grand bagage culturel et historique qui répond à la mission de BAnQ », a-t-il soutenu.

M. Sylvestre a dit souhaiter que l’arrivée de M. Roy permette d’assainir des relations de travail qu’il juge difficiles « depuis fort longtemps ».

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