Andrée Watters au Nouveau Club Soda - Toutes avec elle
Après deux ou trois chansons, ça m'a frappé. Cette manière qu'a Andrée Watters de montrer du doigt, de renvoyer un sourire ou de brandir le pouce. Cette manière de regarder un fan, ou à tout le moins, de regarder dans la direction générale d'une poignée de fans, chacun le prenant assurément personnel. J'ai souri. C'était à moi et à mon frère Vincent, il y a 22-23 ans au vieux Forum, que Pat Benatar répondait ainsi par son pouce à elle au désir fou signifié par nos pouces à nous: oui, nous l'aimions. Et oui, elle trouvait ça cool, ou nous le faisait bien croire.
Hier, à la première montréalaise du spectacle de la jeune chanteuse, c'était pareil. À cela près qu'au devant de la scène du Soda, il n'y avait que des jeunes filles. Dix à seize ans, toutes extatiques, toutes vivant pleinement leur rite de passage, toutes trouvant chez Andrée Watters une fille à qui il fait bon vouloir ressembler, des textes les concernant, une attitude fonceuse les énergisant, des refrains bons à s'entendre chanter à tue-tête. Et des dizaines de doigts pointés leur donnant ce qu'ils veulent le plus: un peu de reconnaissance. Être, pendant l'instant d'un regard croisé, d'un signe rendu, son amie. Hier, elles allaient voir Andrée Watters pour être vues par Andrée Watters. Laquelle les voyait, Dieu merci.C'était bien émouvant à voir, fut-ce de mon point de vue de vieux critique qui en a trop vu d'autres. Ça valait en tous cas mille millions de Britney, Christina et autres inaccessibles du showbiz pour teenagers à l'américaine. Car il y avait du bon à prendre chez cette chouette fille qu'est Andrée Watters, comme il y a du bon à prendre chez Avril Lavigne, comme il y en avait chez Alanis Morrissette du temps qu'elle chantait Ironic. Watters la reprenait, justement, cette chanson de l'album Jagged Little Pill. «Un album-fétiche pour moi», disait la jeune femme partie de Charlebourg à 17 ans pour faire de la musique dans la grande ville. Alanis, modèle de millions de jeunes filles. Lien évident, mais inéluctable: Andrée Watters tient fièrement le flambeau.
Je n'accordais certes pas grande originalité à ce rock de riffs (Exister à l'envers, Enfer, Désert, c'est tout du kif pour quiconque a déjà eu droit à France D'Amour), mais c'était envoyé avant tant de chien, de vigueur et de vraie bonne humeur qu'on passait outre. Même la reprise de l'énervante Pretty Fly (For A White Guy) d'Offspring trouvait grâce. Quoi qu'elle chante, constatais-je, ballade à formule ou rock télégraphié, Andrée Watters y met coeur, corps, âme et talent. Dans un monde où l'on sort de Phénomia pour entrer directement à la Star Académie, elle offre certainement la plus saine alternative.