Présentation des vestiges de l'avion de Saint-Exupéry: sa famille est absente
Istres, France — La famille de l'écrivain-pilote français Antoine de Saint-Exupéry, disparu le 31 juillet 1944, n'a jamais cautionné les recherches de son avion en Méditerranée. Elle était absente hier sur la base 125 d'Istres (Bouches-du-Rhône) lors de la présentation des vestiges de l'appareil, remontés de l'eau et officiellement identifiés.
«C'est leur décision, on aurait été très heureux de les accueillir», a regretté Jean-Luc Massy, conservateur général du DRASSM (Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines), un organisme qui dépend du ministère de la Culture.«Ils ne mettent pas en doute la découverte mais ils ont besoin de beaucoup de recul car il y a eu beaucoup de polémiques», a estimé Philippe Castellano, historien.
François d'Agay, l'un des deux neveux de l'écrivain (l'autre se prénomme Jean), avait affirmé jeudi dans La Provence: «Nous n'avons jamais souhaité que des recherches soient entreprises pour retrouver cet avion car il est avant tout une sépulture et, à ce titre, il est sacré.»
«Une sépulture?», s'est étonné Henri-Germain Delauze, p.-d.g. de la Comex, qui a remonté les vestiges entre novembre 2003 et janvier 2004 au large de l'île de Riou, à Marseille. «Je respecte les pilotes, je le suis moi-même, nous ne sommes pas des ferrailleurs, nous n'avons dans ce domaine-là aucun complexe de culpabilité», a-t-il ajouté.
«Mon rôle est de conserver la mémoire du patrimoine aéronautique, Saint-Ex en est l'un des éléments majeurs, c'est la meilleure façon de faire revivre la grande histoire», a pour sa part indiqué le général Alban, directeur du Musée de l'air du Bourget, qui va accueillir les vestiges du Lightning P-38 avant la fin de 2004.
«Le numéro de châssis 2734 a identifié définitivement les vestiges de Marseille comme ayant appartenu à l'avion de Saint-Exupéry», a expliqué l'historien Philippe Castellano. Ces vestiges consistent en des restes du moteur, du train d'atterrissage et des pièces de l'empennage arrière du Lightning P-38 de l'écrivain. Ces éléments métalliques, qui ont été fortement corrodés par un séjour de 60 ans dans l'eau, ont été décapés à l'aide d'acides doux.
Tout avait commencé le 7 septembre 1998, lorsqu'un patron pêcheur marseillais, Jean-Claude Bianco, découvrait la gourmette du pilote. L'un de ses employés, Habib Benamor, fut le premier à l'apercevoir dans les filets: «Elle brillait, elle était collée sur un morceau de concrétion, j'ai d'abord pensé que c'était un pêcheur qui l'avait perdue, puis on l'a grattée, doucement.»
«C'était un rêve», précise-t-il, sans évoquer la violente polémique de l'époque sur l'authenticité ou non de l'objet.
Le 25 mai 2000, en rade de Marseille, Luc Vanrell, plongeur, localisait l'épave d'un Lightning P-38. «On avait une liste de quatre appareils et on en connaissait trois: pour moi, le quatrième était celui de Saint-Exupéry», se souvient-il.
Il reste néanmoins à déterminer quelle a été l'origine de l'écrasement, le 31 juillet 1944. «Une panne d'oxygène, une panne moteur, un malaise, un suicide, personne ne pourra jamais trouver les causes de sa disparition», selon l'historien Castellano. «Les causes ne sont pas des tirs de DCA ou de la chasse allemande: tous les rapports allemands sont précis là-dessus», ajoute ce spécialiste.
Le 31 juillet 1944, le commandant Antoine de Saint-Exupéry, alors âgé de 44 ans, avait décollé de l'aérodrome de Borgo (Haute-Corse) peu après 8h30. Ce jour-là, l'auteur du Petit Prince, Courrier Sud, Pilote de guerre et Vol de nuit devait effectuer une mission de reconnaissance photographique au-dessus des Alpes, entre Grenoble et Lyon.
Quelques jours avant leur débarquement en Provence, les Alliés souhaitaient mettre à jour leurs cartes et repérer les objectifs ennemis. Le P-38 de Saint-Ex — qui n'était pas armé — restera sous le contrôle des radars américains jusqu'à la côte avant de disparaître après Saint-Raphaël (Var) pour une raison restée inconnue.
Pierre Becker, p.-d.g. de Géocéan, l'une des sociétés intervenues dans la remontée des vestiges, a toutefois expliqué: «Nous avons 300 kilos pour un avion de plus de trois tonnes, on va refaire une demande de prospection, l'enquête n'est pas finie.»