«Temporel» – Fuite dans le temps

«Temporel» rappelle la fascinante capacité du collectif Les 7 doigts, de Michel Lemieux et de Victor Pilon à se réinventer sans cesse.
Photo: Jean-François Gratton «Temporel» rappelle la fascinante capacité du collectif Les 7 doigts, de Michel Lemieux et de Victor Pilon à se réinventer sans cesse.

Le temps qui file, qui s’écoule entre les tics et les tacs de la vie comme les pages d’un livre qui s’envolent : c’est dans les coulisses de la grande horloge de la vie que plonge Temporel, la nouvelle création à quatre mains imaginée par les alchimistes du 3D, Michel Lemieux et Victor Pilon, et les artistes du collectif de cirque Les 7 doigts.

Dans ce Temporel, créé grâce à un programme de résidence soutenu par la Place des Arts, les deux compagnies ont façonné un objet hybride et expérimental, mariant les techniques et la puissance onirique de l’holographie au théâtre physique. Au royaume de Temporel, le temps est incarné par un trouble-fête, un grand horloger en chef, qui vient fouiller et ausculter les mémoires d’un vieillard arrivé au crépuscule de la vie.

Ici, les hologrammes sont aux premières loges pour redonner vie à une série de personnages issus du passé, venus réveiller la mémoire du protagoniste. Tout le jeu de ce voyage dans le temps et dans la mémoire consiste à redonner vie à l’enfant, au jeune adolescent et au jeune amoureux qui enlace à nouveau sa douce dans ses bras grâce à la magie des hologrammes. Ces images en mouvement se superposent sur scène comme autant de livres dans la grande bibliothèque de ses souvenirs.

Les métaphores visuelles abondent dans cette fabulette où les techniques du multimédia permettent d’exploiter à fond l’idée du temps qui fuit et s’écoule sans fin. Dans les dédales de la mémoire, l’histoire se répète et une bibliothèque trône, symbole du siège des souvenirs enflammés, comme de ceux qui s’effacent doucement.

Les images fantômes font irruption à tout moment dans les méandres de l’oubli, où les artistes de cirque Isabelle Chassé et Patrick Léonard, aussi metteurs en scène, campent leurs personnages à divers âges de la vie. Dans cette course contre le grand sablier du temps, les amoureux se perdent et se retrouvent à diverses époques, grâce à un ingénieux système de projections et de coulisses et de trappes sur le plateau de scène.

Grand horloger

 

Habilement joué par Gisle Henriet, le maître du temps s’impose quant à lui comme un colocataire détestable, limite despote, qui tire en aparté les ficelles de tout ce beau monde et dicte le cours de la vie.

Dans ce conte tragicomique, les artistes semblent toutefois par moments au service de la technique, plutôt que le contraire, notamment dans certaines scènes inutilement longues et répétitives où les hologrammes monopolisent l’attention, font de l’ombre au jeu des acteurs et laissent peu poindre les émotions. À d’autres moments, le mariage du théâtre physique et de l’image 3D opère par contre à merveille. Notamment quand les protagonistes, reproduits et démultipliés en format réduit, courent et se perdent dans le dédale d’une bibliothèque. Magie, aussi, quand les amoureux se noient dans leur peine et flottent dans le grand tout d’un amour englouti ou disparaissent dans le feu qui embrase leurs souvenirs.

Bien qu’imparfait, ce Temporel, férocement mélancolique, rappelle la fascinante capacité du collectif de cirque et de Lemieux et Pilon à collaborer avec d’autres artistes, à se réinventer sans cesse et à expérimenter de nouvelles avenues plus proches du théâtre. Loin de la performance acrobatique, Les 7 doigts et 4D Art excellent à explorer les facettes de la condition humaine, et ce dernier opus ne fait pas exception.

Mince déception toutefois quand le rideau tombe sur l’air archiconnu d’Avec le temps. Un cliché superflu, en l’occurrence, puisqu’en soi, ce Temporel n’avait pas besoin des mots illustres de Léo Ferré pour achever de démontrer l’implacable fuite de ce temps qui passe et qui ne revient plus.

Temporel

Lemieux Pilon 4D Art et Les 7 doigts. À la Cinquième Salle de la Place des Arts, jusqu’au 27 janvier.

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