La bibliothèque publique, selon la bonne volonté du maire

La bibliothèque Paul-Mercier, à Blainville, est née en 2015, avec un budget de construction de 12 millions de dollars.
Photo: Clair obscur La bibliothèque Paul-Mercier, à Blainville, est née en 2015, avec un budget de construction de 12 millions de dollars.

La Semaine des bibliothèques publiques vient de se mettre en branle et, néanmoins, la présidente de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) a des raisons d’être déçue. Les campagnes électorales roulent à plein régime et nulle part n’entend-on de discussions sur la situation des établissements littéraires.

« De façon générale, on ne parle pas assez des bibliothèques publiques et, pourtant, nous sommes en constant dialogue avec le public », dit Chantal Brodeur, de l’ABPQ.

Celle qui vient d’entamer son mandat à la présidence de l’organisme — elle a été nommée en avril — déplore que le sort des bibliothèques municipales soit lié à la joute électorale.

« D’une ville à l’autre, on retrouve des bibliothèques de qualité inégale, parce que tout dépend de l’équipe en place [à l’hôtel de ville], tout dépend de la vision, affirme Chantal Brodeur. Qu’est-ce que ça veut dire l’excellence en bibliothèque ? On n’a pas de normes au Québec pour l’encadrer, aucune loi qui oblige les villes à offrir un service précis, tant de places assises, un minimum de livres… »

La porte-parole de cette association constituée de 160 membres partout au Québec reconnaît qu’en l’absence d’un « énoncé gouvernemental qui officialise la mission des bibliothèques publiques », il faut se référer aux textes de… l’UNESCO. « Ce n’est pas normal, clame Chantal Brodeur. Il faudrait quelque chose plus près des gens. »

La dépendance des bibliothèques à l’administration municipale explique qu’il est difficile de trouver, même chez les établissements mal soutenus, des directions prêtes à témoigner de leur situation. Elles sont prises entre l’arbre et l’écorce, dans un jeu de diplomatie municipale.

Le modèle Blainville

D’une ville à l’autre, on retrouve des bibliothèques de qualité inégale, parce que tout dépend de l’équipe en place [à l’hôtel de ville], tout dépend de la vision

Stéphanie Lachaine, chef de division Bibliothèque au service Loisirs, culture, bibliothèque et vie communautaire de la Ville de Blainville, se trouve choyée. Depuis qu’elle est en poste — 2010 —, elle n’a jamais eu à se référer à l’UNESCO pour défendre sa mission. Les élus l’appuient par conviction.

« À Blainville, la bibliothèque a toujours été considérée comme étant d’une grande importance, tant par les élus que les citoyens », dit-elle.

Inaugurée au début des années 1980, la bibliothèque municipale a longtemps logé dans un petit espace de l’hôtel de ville. La croissance de la population, le développement des collections et la réduction des espaces de travail ont convaincu l’administration municipale d’accepter, avant 2010, le projet d’une bibliothèque plus grande et établie dans un édifice tout neuf.

La bibliothèque Paul-Mercier est née en 2015. Le budget de construction de 12 millions de dollars a été appuyé par le ministère de la Culture et des Communications. À hauteur de 2,9 millions. La Ville de Blainville a assumé le reste.

Dans cette municipalité des Laurentides, l’appui politique se traduit aussi dans les achats : selon Stéphanie Lachaine, le budget d’acquisition, évalué à 245 000 $, est toujours revu à la hausse. On y ajoute 100 000 $ par année, voire le double, comme ça s’était fait dans les budgets de 2011 et de 2012.

« Le livre demeure. Et on veut augmenter notre collection, parce qu’on veut s’assurer de répondre à la norme, celle d’offrir 3,5 livres par citoyen. Depuis 2011, la Ville fait un effort considérable pour investir davantage dans les budgets d’acquisition », dit la gestionnaire de la bibliothèque Paul-Mercier.

« Mais la bibliothèque, ce ne sont pas seulement des livres », soutient Stéphanie Lachaine. À Blainville, on la fréquente pour des conférences, des activités de médiation, des postes de visionnement, une salle « d’écrans nouvelles ». La bibliothèque de 2017 doit être branchée et diversifiée. On peut même y prendre son repas.

Le troisième lieu

 

« On développe les habitudes de fréquentation des jeunes », croit pour sa part Chantal Brodeur, qui est également responsable du service de bibliothèque à la Ville de Repentigny. « [On doit leur proposer] quelque chose d’attrayant. Ça brise le cliché de la bibliothèque comme lieu de silence, juste pour des lecteurs. On est ailleurs aujourd’hui. Il s’y passe toute sorte de choses. »

Le concept de la « bibliothèque troisième lieu », développé dans les années 1980 par Ray Oldenburg, professeur de sociologie à l’université de Pensacola, en Floride, est désormais une chose très concrète. On y trouve encore des livres, mais on ne vient pas seulement pour y lire, ou pour emprunter des documents.

Ce qui n’empêche pas que les collections des bibliothèques publiques continuent à circuler. Et dans certains cas, circulent davantage.

« Si nous comparons avec la période avant l’ouverture de la nouvelle bibliothèque, nous avons une hausse de 25 % d’emprunts de documents », affirme Stéphanie Lachaine, de Blainville.

En cette Semaine des bibliothèques publiques, la présidente de l’ABPQ aime rappeler l’importance du temple du livre. Un lieu rassembleur et accessible à tous. Le troisième lieu, après la maison et le bureau (ou l’école).

Selon les chiffres de l’Association, la bibliothèque publique est l’institution culturelle la plus fréquentée au Québec, avec 27 millions de visiteurs. Les statistiques de 2015 la placent devant les cinémas (20 millions), les musées (14 millions) et les salles de spectacle (6 millions).
 

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