Défier le temps, à la Manif d'art 8

Jean-Christophe Norman, «Le fleuve sans rives», 2014, exposé par le Frac Franche-Comté, en France
Photo: Blaise Adillon Jean-Christophe Norman, «Le fleuve sans rives», 2014, exposé par le Frac Franche-Comté, en France

Première édition hivernale, première dirigée par une commissaire européenne (Alexia Fabre), la Manif d’art 8, qui prendra son envol samedi aux quatre coins de Québec, sera aussi la plus longue. La plus longue Manif ? En durée, du moins : elle s’étirera pendant trois mois, jusqu’en mai, soit pendant trois fois plus de temps que les sept précédentes éditions.

Il n’y a pas que la durée qui a pris de l’envergure à la Biennale de Québec. Désormais établi au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), le « lieu central » bénéficiera d’un espace tout neuf et bien vaste, le pavillon Lassonde, inauguré il y a moins d’un an. En gros, on peut affirmer que certaines des nouvelles salles accueilleront à peine leur deuxième exposition.

La mesure du temps et de l’espace, pour ne pas dire la démesure, sera l’une des particularités de cette huitième manifestation, portée par le thème « L’art de la joie ». Plusieurs des projets annoncés semblent s’imbriquer, sur papier, au travers d’expériences accaparantes et envahissantes.

Prenez le cas du Français Jean-Christophe Norman, venu sur le tard à la pratique artistique, après un crochet par l’alpinisme et autres sports extrêmes. Intitulé Histoires du jour et de la nuit, son programme rassemble performance et installation et découle de ses intérêts pour la littérature, l’écriture et la marche. Il sera à l’affiche à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval, l’un des 18 diffuseurs officiels autres que le MNBAQ.

Marcher en rond

 

S’inspirer de James Joyce et de Jorge Luis Borges, copier les dernières phrases de tous les livres d’une bibliothèque, parcourir à pied les 500 km qui séparent Besançon, sa ville, de Marseille… Voilà ce qui anime l’homme âgé de 53 ans.

« Ulysse[de Joyce], je l’aime beaucoup. [Le récit couvre] le temps d’un jour entier, le temps du monde, la parabole d’une existence. J’ai voulu le réécrire sur la surface du globe et le déplier d’une certaine façon », dit celui qui s’est mis à recopier le chef-d’oeuvre de la littérature à la craie, sur le bitume des villes qu’il visite. « J’ai dépassé la moitié du livre », assure-t-il, au téléphone.

J'aime l'intensité des choses, comme l'alpinisme, bien que j'aie été obligé d'interrompre cette chose. J'ai pris la décision de changer de direction. C'est ma volonté. La joie, c'est de faire ce qu'on aime. C'est notre capacité à nous réinventer, nous dire que des solutions sont possibles.

 

Jean-Christophe Norman ne parcourra pas les rues enneigées de Québec. La marche et Ulysse sont cependant au coeur de ses Histoires du jour et de la nuit. Le lendemain de l’entretien, Norman avait prévu tourner en rond, pendant 24 heures, dans la galerie universitaire. Cette performance, filmée, mais exécutée en absence de public, sera diffusée en boucle parmi d’autres exercices, dont un texte plus personnel inscrit comme « une immense fresque, quelque chose d’aérien ».

Et la joie, dans tout ça ? Jean-Christophe Norman assure qu’elle est implicite à son oeuvre, à sa manière de lier art et vie et de bousculer nos rapports au temps.

« J’aime l’intensité des choses, comme l’alpinisme, bien que j’aie été obligé d’interrompre cette chose. J’ai pris la décision de changer de direction. C’est ma volonté. La joie, c’est de faire ce qu’on aime. C’est notre capacité à nous réinventer, nous dire que des solutions sont possibles », croit ce tenace optimiste.

Jean-Christophe Norman est l’un des nombreux Français qu’Alexia Fabre a invités à la rejoindre à Québec. La directrice du MAC/VAL, musée de la région parisienne, a inclus des artistes à qui elle a déjà été associée, comme Jean-Luc Verna et Christian Boltanski. Norman aura d’ailleurs droit en 2017 à un solo important au MAC/VAL, succédant, de quelques semaines, à Verna.

La Manif d’art 8

Dès le 17 février. Au Musée national des beaux-arts du Québec, jusqu’au 14 mai; ailleurs jusqu’à la fin mars.

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