Montrer les crocs

Nadine Vincent, Christian Vanasse, Jean-François Nadeau et Vincent Bolduc ont choisi de passer au tordeur les 15 dernières années.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Nadine Vincent, Christian Vanasse, Jean-François Nadeau et Vincent Bolduc ont choisi de passer au tordeur les 15 dernières années.

Ambitieux, Les Zapartistes ? Alors que les revues de l’année pullulent, que chaque jour chacun y va de son commentaire ironique, satirique ou cynique sur l’actualité dans les réseaux sociaux, Nadine Vincent, la Zapartiste de l’ombre, Vincent Bolduc, Jean-François Nadeau et Christian Vanasse ont choisi de passer au tordeur les 15 dernières années. Nés le 24 février 2001, Les Zapartistes ont ainsi puisé des extraits dans leurs anciens spectacles afin de livrer une revue bien corsée, où ils retrouvent avec bonheur des figures d’un passé pas si lointain. Avertissement : il ne s’agit pas là d’un best of, mais bien d’un spectacle original.

« C’est une galerie de personnages beaucoup plus rapide qu’une revue de fin d’année, parce que c’est sur 15 ans, explique Nadine Vincent. Ce qui est trippant, c’est de voir Mario Dumont à l’époque où il était en politique et PKP quand il était magnat de la presse ; on sait ce qui leur est arrivé par la suite, alors on n’a pas besoin de le dire, ça replace les affaires et les gens font le reste de l’histoire. Évidemment, il y a Couillard et Justin, mais on ne s’attarde pas beaucoup aux politiciens du moment. On a aussi essayé de trouver les bons coups, on constate que c’est toujours venu des citoyens. »

Avec le recul, on s’aperçoit que bien des choses ont changé en si peu de temps. Bien des choses ? Peut-être pas… « Le recul est là quand on se rend compte qu’on commence une revue du siècle avec un scandale libéral et qu’on la finit avec un scandale libéral et que, à travers ça, Bombardier reçoit année après année des millions de subventions et crisse des milliers de personnes dehors chaque fois », constate Christian Vanasse.

Et vlan ! Une fois de plus, Les Zapartistes vont fesser dans le tas, au cours de ce spectacle qui se révèle être une thérapie autant pour ses créateurs que pour les spectateurs. Ne dit-on pas que le rire, c’est la santé ?

« Notre rire, c’est un cri de guerre, affirme Vincent Bolduc. On ne veut pas le rire à tout prix, on veut utiliser le rire pour se battre. Nadine et Christian sont là depuis 15 ans, Jean-François et moi, depuis cinq ans. En arrivant dans le groupe, on en a découvert les bienfaits. La colère s’accumulait, et ça ne sortait pas toujours comme du monde. C’est un filtre incroyable que de pouvoir en rire ensemble et de recracher après. C’est comme un défouloir. Et ça, ça crée de l’espoir. »

Du quatuor, Jean-François Nadeau s’affiche comme le plus pessimiste. Et pourtant, pas question pour lui d’arrêter le combat et de sombrer dans le confort et l’indifférence : « Je suis dans ce groupe parce qu’il a le sens du devoir de donner du gaz aux troupes. Si on arrête la lutte, qu’est-ce qu’on fait ? Comme La soirée est (encore) jeune, À la semaine prochaine, Infoman et les caricaturistes, on frappe sur tout le monde… mais on est clairement affiché militant. Nos shows sont un espace de réflexion citoyenne. Je ne trouve pas ça facile d’être optimiste, mais, après un show des Zaps, quand je parle avec le monde, j’ai une petite dose d’espoir. »

Formule gagnante

 

Fidèles à eux-mêmes, Les Zapartistes proposent un spectacle alliant numéros de stand-up, sketchs et chansons. Se succèdent sur scène figures politiques et médiatiques du passé et du présent, comme Michael Ignatieff, Paul Martin et Sami Aoun, de même qu’une abeille incarnée par Vincent Bolduc qui fait déjà sensation. Accompagnés de musiciens, Bolduc, Vanasse et Nadeau se glissent dans la peau de différents personnages en s’échangeant des accessoires piqués à gauche et à droite. Pour les Zaps, pas de place pour le latex et les maquillages sophistiqués, on préfère l’esthétique bric-à-brac.

Toujours branchés sur l’actualité, ils se permettent de modifier au besoin quelques répliques, mais ils n’iraient jamais jusqu’à remanier entièrement le spectacle. Rencontrés la veille des élections américaines, ils ne croyaient pas devoir intégrer Donald Trump au cas où il deviendrait président.

« On n’est pas tenu de parler de Trump s’il rentre, parce qu’on traite de la médiocrité et que les gens feront le lien. On ajoutera peut-être une ligne, mais pas le personnage », avançait Jean-François Nadeau.

Jointe par courriel le lendemain de l’élection de Trump, Nadine Vincent a confié ceci : « On s’est beaucoup écrit depuis tôt ce matin, pour discuter de la nouvelle du jour. L’avantage d’avoir un spectacle en cours, c’est que ça nous donne une tribune pour exprimer notre désarroi. On est donc plutôt en train de se demander comment le futur président interviendra dans le spectacle que de se désoler de son arrivée. Et, comme tout le monde, on essaie de comprendre »

D’ici là, on tentera de trouver le moyen d’en rire : « Je respecte le rire au plus haut point, parce qu’il a toujours été un contre-pouvoir. Comme la poésie, le rire est noble. C’est juste qu’il a été dénaturé, commercialisé à outrance, usiné. Le rire, ça réveille une force, ça tue la peur et ça te donne du pouvoir. En gang, ça devient cathartique, parce qu’on se rend compte qu’on n’est pas seul à trouver ça cave. Le rire est essentiel dans une société saine », conclut Christian Vanasse.

ZAP 21

Au Club Soda, le 15 novembre, à 20 h ; à l’Impérial Bell de Québec, le 18 novembre, à 20 h ; au Théâtre de la ville à Longueuil, le 16 décembre, à 20 h.

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