Réveiller la fibre éthique en mode québécoise

Les panélistes ayant pris part à l’atelier Nota Bene, sur la mode éthique. Au micro, l’auteure du livre «Magnifeco», Kate Black.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Les panélistes ayant pris part à l’atelier Nota Bene, sur la mode éthique. Au micro, l’auteure du livre «Magnifeco», Kate Black.

Les Québécois achètent en moyenne 26 kg de textiles par année et en jettent 23 kg durant la même année. De ces déchets, 40 % prennent le chemin du site d’enfouissement, 5 % sont vendus dans les friperies, 30 % sont recyclés pour faire d’autres vêtements, et 25 % sont envoyés dans d’autres pays.

C’est ce que racontait jeudi Lis Suares, fondatrice d’Ethik et Fem International, lors d’un atelier du Festival Mode et design, qui se poursuit jusqu’au 20 août à Montréal. L’atelier mettait en vedette les designers Marie Saint Pierre et Tara St James, toutes deux pratiquant un mode de production éthique, et Kate Black, auteure du livre Magnifeco et animatrice du réseau de conférences du même nom.

Ainsi, Marie Saint Pierre racontait comment elle veille à ce que soient utilisées au maximum les retailles de tissus lors de la confection de ses vêtements. Cette confection se fait d’ailleurs localement, à tel point que la circulation entre les points de production se fait souvent à pied et non en voiture, dit-elle. Tara St James, designer d’origine montréalaise établie à New York, expliquait pour sa part inscrire dans ses vêtements le contact exact du lieu de production du tissu ainsi que le nom de la couturière qui les a assemblés.

Pour Kate Black, seulement 1 % des entreprises oeuvrant dans l’industrie de la mode peuvent se targuer d’avoir un comportement éthique. Or, dans le monde, il se produit 150 milliards de pièces de vêtements par année, dit-elle, soit 60 milliards de plus qu’en 2009. « Cela veut dire que le consumérisme n’est pas en train de se résorber », dit-elle. Et alors que la conscience environnementale commence à émerger dans le monde de la nourriture, par exemple, l’industrie du vêtement tarde à suivre. Elle suggère donc d’éduquer les consommateurs en utilisant le mot « value » (valeur en anglais) : V pour vintage, incitant au recyclage de vêtements déjà portés, A pour artisan, L pour l’encourageant aux créateurs locaux, U pour upcycle, en transformant la matière existante, et E pour éthique, en assurant des conditions de travail convenables à tous les acteurs de l’industrie.

Au-delà du gaspillage

Les données qu’elle avance dans son livre sont pour leur part inquiétantes. Des 12 000 produits chimiques différents qui sont utilisés dans l’industrie du cosmétique, par exemple, 90 % n’ont jamais été évalués pour leur impact à long terme sur la santé. On sait aussi que l’exposition excessive à diverses formes de parfums dans notre environnement est dommageable pour le corps humain.

Dans le chapitre portant sur les vêtements en général, elle avance que l’industrie du coton « est la récolte la plus sale de la planète ». Le coton pousse dans 80 pays différents, dit-elle, compte pour 14 % de tous les insecticides agricoles et de 6,2 % de tous les pesticides.

Kate Black suggère cependant au consommateur de choisir le groupe qu’il veut protéger : les gens, la planète ou les animaux. Il existe des produits de consommation qui protègent les trois, dit-elle. À travers différents chapitres de son livre, elle soumet une liste d’entreprises proposant des produits éthiques.

En collaboration avec divers organismes, dont Polytechnique, les HEC et l’Université de Montréal, l’organisme de Lis Suarez poursuit quant à lui des recherches sur le recyclage de fibres textiles. Ce recyclage est d’autant plus difficile que les textiles sont de plus en plus composés de fibres variées, difficiles à trier.

« Nous sommes les premiers à poursuivre de telles recherches au Canada », dit-elle.

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