Présence autochtone dans les rues de la ville

Le 14 juillet, l’angle des rues Sherbrooke et Mackay a été rebaptisé sous le vocable abénakis 8GMAKW, qui veut dire «frêne».
Photo: Terres en vues Le 14 juillet, l’angle des rues Sherbrooke et Mackay a été rebaptisé sous le vocable abénakis 8GMAKW, qui veut dire «frêne».

Après avoir réclamé en vain la reconnaissance, des autochtones ont décidé de prendre eux-mêmes leur place sur la mappemonde. Parrainée par le festival Présence autochtone, qui prend l’affiche le 3 août prochain à Montréal, la Commission de toponymie sauvage a décidé de renommer plusieurs endroits de la ville sous des noms autochtones. Le 5 août prochain, par exemple, la place des Festivals sera rebaptisée Makushamit, ce qui signifie en innu « là où se tient la fête ».

Ces actions prennent la forme d’affiches, réalisées grâce à la participation de l’association artistique Mu à cette « initiative de géonomastie citoyenne et autonome ». Ces panneaux sont enlevés immédiatement après sous peine d’interventions de la Ville de Montréal.

Le 14 juillet, par exemple, a été rebaptisé l’angle des rues Sherbrooke et Mackay sous le vocable abénakis 8GMAKW, qui veut dire « frêne ». Cette action-éclair s’est faite à l’occasion du vernissage de l’exposition de l’artiste abénakis Sylvain Rivard, qui présente son exposition Pulpe Fiction, sur le thème de l’arbre, à l’occasion du festival, à la Guilde des métiers d’art du Québec.

La vulnérabilité du frêne à l’agrile, et la campagne d’abattage préventif qui l’accompagne, accentue notre sensibilité à la rareté de la ressource, estime Sylvain Rivard.

Le 21 juin dernier, à l’occasion de la Journée des peuples autochtones, la même commission, qui travaille de concert avec le regroupement d’artistes Mu, avait rebaptisé l’un des côtés de la place d’Armes qui borne la Basilique Notre-Dame. Le nom mohawk E’neken Nonkwa : ti, qui signifie « allée sud », a été donné à cette allée.

Le festival Présence autochtone, qui célèbre son 26e anniversaire cette année, propose par ailleurs tout un éventail d’activités artistiques autochtones aux Montréalais. Au programme, on pourra entendre le groupe de musique Digging Roots, formé du duo de Raven Kanetakta et ShoShona Kish. « Les gens ont faim de musique, dit Raven en entrevue. Alors, on peut dire que notre musique leur donne une bouchée de blues, une bouchée de reggae et une bouchée de musique de pow-wow. »

Lui-même est né d’une mère mohawk de Kahnawake et d’un père anishnaabe d’Abitibi-Témiscamingue. Sa femme, Shoshoa Kish, est une Ojibway de Bachewana, près de Sault-Sainte-Marie.

Ils se sont rencontrés à Ottawa, pendant que Raven étudiait la musique à Boston et ShoShona à l’université Carleton. Depuis, ils ont eu deux enfants et ont voyagé un peu partout, en tournée. Ils ont notamment gagné le Juno de l’album amérindien pour We Are, en 2010.

Sur scène, leur fils de 21 ans les accompagne et joue du tambour amérindien. Ils ont produit en juin dernier un single, AK47, une chanson dans laquelle ils imaginent des mitraillettes projetant de l’amour. « C’est une chanson à propos de la paix », dit-il. La chanson est en anglais, mais le dernier mot est en anishnaabe, « nizoogide’e », qui signifie « mon coeur est un refuge ».

Lorsqu’on lui demande si sa musique est engagée politiquement, Raven Kanetakta répond tout simplement que « lorsqu’on est amérindien, c’est comme si on était né dans une position politique. Donc, oui, une bonne partie de notre musique est politique ».

Films autochtones

 

Comme chaque année, le festival présente également une importante sélection de films autochtones. L’ONF y lance en première mondiale le troublant documentaire The River, tourné sur la rivière Rouge, près de Winnipeg. On y suit un groupe d’autochtones qui ont formé une brigade pour tenter de repêcher, eux-mêmes, les corps de leurs disparus dans la rivière Rouge. Cette brigade, intitulée Drag the Red, a été mise sur pied après qu’on eut trouvé dans la rivière le corps d’une jeune fille de 15 ans, Tina Fontaine. Les proches des disparus y participent parce que, disent-ils, la police n’ira pas chercher les corps dans la rivière à moins qu’elle soit sûre de les trouver.

Le festival propose aussi, en première mondiale et en ouverture, le film 100 Tikis, de Dan Taulapapa McMullin, qui propose une réflexion sur l’image des autochtones véhiculée dans les médias dans l’histoire.

Plus légèrement, Présence autochtone nous invite à goûter la « soupe de roches », ainsi nommée parce qu’elle se cuisine sur des pierres chauffées à vif. C’est une recette antique de soupe de poisson pêché dans la rivière de la région de Oaxaca, au Mexique, que seuls les hommes cuisinent et qu’ils donnent en offrande à leur épouse à leurs proches. Ce plat, ainsi que Cesar Gachupin de Dios, le cuisinier de Oaxaca qui le préparera à Montréal, ont fait l’objet d’un film de l’anthropologue américaine Sarah Borealis.

La soupe de roches, ou caldo de piedras, sera offerte en dégustation sur la place des Festivals, là où se tient la fête, du vendredi au dimanche de 14 h à 21 h, durant le festival Présence autochtone.

Festival Présence autochtone

Quartier des spectacles à Montréal, du 3 au 10 août

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