Tendre à l’égalité dans les fonds publics versés

Parce qu’on est en 2016… Réalisatrices équitables, qui cherche depuis 2007 l’atteinte de l’équité pour les femmes en réalisation cinématographique au Québec, tente la stratégie de groupe. Et comme elles sont légion, particulièrement en culture, l’organisme a invité en mai dernier douze associations professionnelles de créateurs à une journée d’étude sur les femmes créatrices, afin de voir où nous en sommes côté équité.

Et ? Dans la grande majorité des secteurs, les femmes sont sous-représentées, et plusieurs milieux comme la scénarisation, la scénarisation en humour, la réalisation télé et Web, les métiers de l’image et du son demeurent carrément de bon vieux « boys’clubs ». Réalisatrices équitables parie qu’imposer une égalité entre hommes et femmes sur la distribution de l’argent public rétablirait la situation.

Il manque encore de griffes, de regards, de réflexions et de rêves féminins dans la construction de l’imaginaire collectif québécois, concluent les Réalisatrices équitables à la suite de la lecture des nombreuses études, qui recensent majoritairement, depuis 2000 jusqu’à 2015, une disparité hommes-femmes dans les métiers de création. « Ce manque de regards féminins dans les postes clés de création a pour conséquence d’exposer de façon biaisée, chaque jour, les enfants, les adolescents et les adultes à des contenus, des modèles esthétiques et comportementaux qui sont issus, en très grande majorité, des imaginaires et des fantasmes masculins, peut-on lire dans La place des créatrices dans les postes clés de création de la culture au Québec. Cette exposition quotidienne serait probablement responsable d’un préjugé inconscient en faveur des oeuvres et des univers créés par les hommes. »

Et l’argent ?

Et les conséquences sont sonnantes et trébuchantes. À l’Union des artistes, par exemple, on note que le revenu moyen chez les acteurs, chanteurs, animateurs et danseurs en 2014, est pour les femmes 74,5 % du revenu moyen des hommes. En évolution ? Non, puisqu’en 2003, ce chiffre était à 75,4 %. Pour l’amélioration rapide, on repassera.

Le portrait est aussi triste, sinon davantage, en réalisation télé et Web, en création de jeux vidéo — les femmes au Québec y occupent 16 % des emplois, selon Anne Gibeault d’Epsilon Games, mais sont très peu présentes en design et du côté artistique (13 %), ou dans le domaine le plus payant de l’informatique (6 %) — ou en scénarisation radio, télé et cinéma (à l’étape de la production entre 2008 et 2015, 77 % des scénarios sont signés par des hommes, 16 % par des femmes et 7 % par des équipes mixtes, selon la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma). Il n’y a qu’à la direction des centres d’artistes en arts médiatiques qu’une belle parité se retrouve… expliquée intuitivement par Mercedes Pacho, de l’Alliance des arts médiatiques indépendants, par les salaires précaires de ces postes.

50/50

 

Comment changer la situation ? Réalisatrices équitables demande, parmi ses cinq recommandations, qu’un critère d’égalité entre hommes et femmes soit établi lors de l’attribution des fonds publics aux entreprises culturelles, autant lors du choix des oeuvres à produire et à diffuser que dans la distribution des postes clés. Cette égalité devrait également s’appliquer lors de l’octroi de bourses, subventions et résidences aux créateurs. Afin de pouvoir recenser l’évolution (ou le statu quo…) de l’équité en création, Réalisatrices équitables demande que « toutes les institutions qui distribuent les fonds publics en culture soient tenues de compiler et de publier annuellement des statistiques hommes et femmes, ventilées par postes créatifs clés ». Un observatoire public de la représentation des genres dans les créations culturelles permettrait également d’analyser « les personnages et les représentations des hommes et des femmes dans les oeuvres et les produits culturels. »

Comment évaluer, vraiment, si les hommes en création bénéficient d’un privilège invisible, d’un préjugé positif inconscient ? L’auteure américaine anglophone Catherine Nichols a partagé, en 2015, un exemple probant, relaté à la Journée d’étude sur les femmes créatrices du Québec par la présidente de l’Union des écrivaines et écrivains québécois, Danièle Simpson. « Cette dernière [Catherine Nichols] a d’abord sollicité 50 agents littéraires sous son nom, puis sous un pseudonyme masculin. Sous son nom, elle a reçu 2 réponses positives. Sous le pseudonyme masculin, elle a reçu huit fois et demie plus de réponses positives (soit 17 en tout) ». L’auteure ose donc parler d’un fort « préjugé inconscient défavorable aux femmes qui affecterait hommes et femmes. » Rappelons, toujours du côté des livres, que les auteurs masculins sont davantage recensés dans les médias, et que les prix littéraires sont plus souvent attribués aux hommes qu’aux femmes. Entre autres choses. Inconscient, le préjugé ? Peut-être, mais vivace, et aux impacts très concrets.


Un préjugé inconscient ?

Comment évaluer, vraiment, si les hommes en création bénéficient d’un privilège invisible, d’un préjugé positif inconscient ? L’auteure américaine anglophone Catherine Nichols a partagé, en 2015, un exemple probant, relaté à la Journée d’étude sur les femmes créatrices du Québec par la présidente de l’Union des écrivaines et écrivains québécois, Danièle Simpson. « Cette dernière [Catherine Nichols] a d’abord sollicité 50 agents littéraires sous son nom, puis sous un pseudonyme masculin. Sous son nom, elle a reçu 2 réponses positives. Sous le pseudonyme masculin, elle a reçu huit fois et demie plus de réponses positives (soit 17 en tout) ». L’auteure ose donc parler d’un fort « préjugé inconscient défavorable aux femmes qui affecterait hommes et femmes. » Rappelons, toujours du côté des livres, que les auteurs masculins sont davantage recensés dans les médias, et que les prix littéraires sont plus souvent attribués aux hommes qu’aux femmes. Entre autres choses. Inconscient, le préjugé ? Peut-être, mais vivace, et aux impacts très concrets.


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