La muse de Réjean Ducharme n’est plus
Scénariste de Joyeux calvaire de Denys Arcand, comédienne sur les planches, au grand écran (Les ordres), à la télé — de La pension Velder à La bonne aventure, en passant par Cré Basile —, c’est la vie qui apporta à Claire Richard son vrai grand rôle. Porte-parole de son enfantôme de compagnon, trait d’union entre le monde extérieur et l’auteur évanescent de L’Avalée des avalés, ainsi Claire Richard habite-t-elle beaucoup d’esprits.
En fin de semaine dernière, un accident cardiaque a terrassé l’octogénaire dans la rue. Hospitalisée, elle serait morte durant la nuit de dimanche à lundi.
Depuis près de 20 ans, le couple vivait à Saint-Henri, non loin du marché Atwater, où elle se rendait tous les jours. Cette semaine, une rencontre intime est prévue avec ses proches à sa mémoire dans une boulangerie du marché.
C’est par cette dame que chacun passait pour rejoindre l’insaisissable écrivain dramaturge Réjean Ducharme, son compagnon de vie depuis environ un demi-siècle, qui eut à travers elle un visage et une voix.

C’est elle qui récoltait les lauriers à son nom, même le premier prix Gilles-Corbeil à l’automne 1990. Elle qui le représentait comme artiste sous pseudonyme Roch Plante pour ses oeuvres de récupération, sculptures-collages appelées Trophoux. Par son truchement passaient aussi son éditeur Rolf Puls chez Gallimard, les metteurs en scène et tous ceux qui voulaient obtenir le feu vert de l’auteur pour toucher à son oeuvre ou recueillir un témoignage.
« De Ducharme, j’ai monté... ha ! ha !… Ines Pérée et Inat Tendu et adapté au théâtre son roman L’hiver de force. Je travaille sur l’adaptation théâtrale de L’avalée des avalés, chaque fois grâce à l’aide de Claire Richard, explique Lorraine Pintal, la directrice du Théâtre du Nouveau Monde. Nous avons l’intention de rassembler quelques artistes dans un lieu pour témoigner bientôt du rôle important d’ambassadrice qu’elle a joué. Mais personnellement, je m’inquiète pour Réjean Ducharme. Ils étaient comme deux chats siamois. Espérons qu’il trouvera des anges protecteurs. »
Personnage ducharmien
Lorraine Pintal voyait en Claire Richard une éternelle jeune fille, rêveuse, émerveillée, exubérante, lunatique, vrai personnage de l’univers ducharmien. « Les protagonistes de L’hiver de force ressemblaient à leur couple. Elle vivait avec lui un amour inconditionnel, tour à tour sa conjointe, son amoureuse, son amie, sa soeur, son impresario. »
En novembre 2011, à la bibliothèque Gabrielle-Roy, dans la capitale, Claire Richard avait lu un mot de son compagnon pour le festival Québec en toutes lettres, célébrant par la bande les 70 ans de l’écrivain du Nez qui voque. On lui devait la dernière photo connue de celui-ci, jetée à la meute médiatique en pâture toujours en 2011.
Claire Richard avait avoué à plusieurs reprises ne pas trop savoir quand Réjean Ducharme écrivait, et si oui, sur quoi. C’était son royaume à lui, inviolé, jusqu’au moment où il livrait sa prose. L’écrivain n’a rien publié depuis son roman Gros mots chez Gallimard en 1999.
On ignore encore les détails de la cérémonie hommage qui sera rendue à Claire Richard.