La créativité comme un surplus d’âme

Marie-Hélène Alarie Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Arts et villes 2016

Elle, c’est Madeleine Turgeon ; elle est mosaïste et propose à de jeunes décrocheurs de reprendre pied une tesselle à la fois. Lui, c’est Alain Dancyger ; il est directeur des Grands Ballets canadiens et il met la danse au service de la santé. Tous deux croient dur comme fer que la créativité est un super outil de changement de la société.

Chaque oeuvre est le « tremplin d’une nouvelle oeuvre », dira Madeleine Turgeon quand on lui demande comment lui est venue cette envie de s’impliquer socialement. « Ma première expérience, de ce qu’on appelle aujourd’hui la médiation culturelle, c’était de l’animation d’ateliers artistiques en milieu de travail », se souvient la mosaïste. Avec sa formation en agronomie en poche et tout simplement parce qu’elle aimait l’art, elle avait proposé à son employeur de l’époque de réunir les gens autour d’un projet artistique.

Madeleine Turgeon s’est par la suite construit une solide expérience en médiation culturelle qui l’amène aujourd’hui à collaborer avec les organismes de sa région, la Montérégie, et notamment avec la cellule régionale d’innovation en médiation culturelle de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent, « pour être capable, note-t-elle, d’aider les artistes à devenir eux-mêmes des médiateurs culturels ».

Selon elle, même si la créativité n’est pas toujours très valorisée en entreprise, il faut persévérer. « Certains croient que la créativité rime avec innovation, mais pas pour tous et pour convaincre des bénéfices de l’art au travail on doit d’abord gagner la confiance des décideurs, souligne l’artiste. Il faut être à l’écoute de notre public que ce soit en milieu social ou dans celui des gens d’affaires. Le projet doit avoir du sens. »

Parmi les grands projets que Madeleine Turgeon a menés ces dernières années, il y a l’oeuvre collective du Tribunal administratif du Québec : TAQ, une mosaïque de talents à contribution. Réalisée pour le 15e anniversaire de l’organisme, cette sculpture murale arbore les symboles représentant la justice, la dignité, l’engagement, l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité. L’oeuvre témoigne de l’engagement et de la participation des employés à la mission du Tribunal.

Après la réalisation de cette oeuvre collective, des choses ont changé, raconte Mme Turgeon : « Les employés ont décoré les murs de leurs propres oeuvres et ils ont réinstauré un journal interne, dans lequel les gens partagent des idées. Elle constate que les bénéfices sont là et perdurent. Je ne peux pas prétendre que je vais tout changer en entreprise, mais l’art en milieu de travail est un catalyseur d’une série de changements. »

Travaillant aussi auprès des jeunes, l’artiste réalise un autre projet qui lui tient à coeur : sa collaboration avec le Carrefour jeunesse-emploi. « Des jeunes fabriquent actuellement une murale de 125 pi sur 15 pi pour la Ville de Vaudreuil-Dorion. » Ces jeunes reprennent des cours et sont à la recherche d’emploi. L’idée derrière cette murale est de projeter leur regard sur la ville : « Ce sont leurs yeux qui sont reproduits ! Ils se voient dans l’oeuvre. » L’artiste travaille avec eux pour leur redonner confiance et, lentement, le changement opère.

La danse-thérapie

 

Originaire de Limoges en France, Alain Dancyger est aujourd’hui directeur général des Grands Ballets canadiens de Montréal, les GBC. Entre les deux, il étudie le violon à la Guildhall School of Music and Drama de Londres et part ensuite préparer une maîtrise à la Juilliard School à New York. En 1987, il obtient une maîtrise en administration des affaires de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) de Paris. Après avoir occupé différents postes de gestion, Alain Dancyger s’installe au Québec, où il sera nommé à la direction des GBC en 1996. Grand fervent de l’approche holistique, le directeur crée en 2013 le Centre national de danse-thérapie, le CDT, un lieu unique sur la scène internationale.

Cette approche holistique se traduit aussi par le projet global dans lequel s’inscrit le Centre national de danse-thérapie, lequel ne pourrait pas être, sans le déménagement de la compagnie au coeur du Quartier des spectacles : « Ce sera une incarnation de cette vision holistique. Ce sera un centre de danse qui accueillera quatre compagnies de danse, et la vision va se traduire par la création d’un café et d’un restaurant dans lesquels auront lieu des soirées lounge, donc par l’enrichissement de l’expérience culturelle de la personne qui va aux Ballets et par la contribution directe du mieux-être du citoyen et de la société », explique Alain Dancyger.

On demande souvent au directeur : mais pourquoi donc les GBC se sont développés au-delà de la culture propre ? « Pourquoi pas ? À partir du moment où l’on définit notre cadre de référence et notre mission comme étant de transformer la vie des gens et de promouvoir tous les bienfaits que la danse procure. » Dans une démarche de réflexion, Alain Dancyger se questionne sur la mission première des organismes culturels. « On ne renie pas notre ADN, qui est toujours le même. Nous sommes une compagnie de ballets qui fait des spectacles, mais il y a une différence entre ce qu’on fait et ce qu’on accomplit. »

Alain Dancyger souhaite faire la démonstration que la culture est pertinente bien au-delà de la culture et qu’on a tous intérêt à penser, à voir et à agir autrement. « On parle aujourd’hui d’économie de partage, de troc, de mettre les choses en commun, et on voit qu’on est tous interdépendants. » Ce constat de notre directeur antisectorisation va encore plus loin : « Cette vision de déghettoïsation des populations et de déghettoïsation des espaces est en amont de la déghettoïsation de notre manière de penser et elle est à la base du développement des GBC et du projet de déménagement. »

Pour conclure, quelques chiffres : actuellement au CDT, il y a sept projets en cours et neuf projets en développement, dont cinq en pédiatrie, deux en gériatrie, quatre en santé mentale, deux en réadaptation et deux en inclusion sociale.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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