Un précieux nid pour de grands trésors

Ce texte fait partie du cahier spécial Musées
Établi dans un bâtiment historique de la rue Peel, le Centre des collections muséales est sans doute le secret le mieux gardé en ville. Mais c’est voulu. Moins il est connu, mieux il se porte.
L’anonymat est à ce point de mise que seule une plaque ébruite la chose, en petits caractères, à l’entrée de l’édifice. « Érigé en 1929 pour l’industrie brassicole, ce bâtiment est aujourd’hui voué à la conservation du patrimoine des musées de Montréal », y lit-on.
La défunte brasserie Dow avait établi ses usines dans un vaste complexe immobilier et l’édifice occupé par les musées en fait partie. « L’extérieur du bâtiment est celui d’origine. Mais l’intérieur a subi une grande transformation », commente la directrice des lieux, Manon Lapointe. Les fenêtres sont l’élément emblématique de cette réalité. Elles sont « aveugles » : remarquables de la rue, sans fonction et même inexistantes de l’autre côté des murs.
Inauguré en 2003, le Centre des collections muséales est un des services de la non moins obscure Société des directeurs des musées montréalais, rebaptisée récemment Société des musées de Montréal (SDMM). Parmi les activités de l’organisme, il faut tout de même citer une des activités dominicales les plus courues en ville : la Journée des musées, dont on tiendra le dernier dimanche de mai la trentième édition.
Locataires secrets
« Le Centre des collections est la première réserve collective au Québec. On a plusieurs locataires », dit la porte-parole de la SDMM, qui réussira, en une heure d’entretien, à taire leur identité, à une exception près. C’est que le Centre canadien d’architecture (CCA), qui a piloté la création de cette réserve, a accepté la présence d’un visiteur.
Le Centre des collections est secret pour la simple et bonne raison qu’il abrite de véritables trésors. C’est une question de sécurité. Quelque part dans la rue Peel se terre, ou s’élève la plus forte concentration de pièces précieuses (oeuvres d’art, documents historiques, archives rares). Devant l’incontournable problème du manque d’espace, les musées trouvent ici une solution sûre et garante des meilleures normes environnementales pour entreposer leurs acquisitions. L’endroit serait aussi à l’épreuve des plus grands risques, y compris les secousses sismiques.
À l’épreuve de la moisissure
Jennifer Préfontaine, archiviste du CCA, s’affairait le jour de notre visite à trier un nouveau fonds et à bien identifier chacun de ses morceaux, qu’il soit illustre ou anodin. « Un document qui n’est pas bien localisé, c’est un document perdu », dit-elle, avec tout le sérieux de sa profession. La dame ne travaille pas à la manière d’un ermite, coupée de la réalité. « J’aide les gens à s’y retrouver », soutient-elle, avec un sourire contagieux.
Ces gens, ce ne sont pas Monsieur et Madame Tout-le-Monde. N’entre pas qui veut au Centre des collections. Les objets, même eux, doivent parfois passer par un rigoureux contrôle. Quand ils arrivent dans un sale état, c’est la tente de fumigation, qualifiée aussi de clean room, qui les attend.
« Des objets avec de la moisissure [sont traités là]. Les microparticules sont aspirées par un tube avec un filtre, explique Jennifer Préfontaine, devant la tente montée parmi les milliers de boîtes d’archives du CCA. Dès qu’on a un soupçon, on enveloppe l’objet dans du plastique, on met des combinaisons, des gants, des masques. »
Le CCA a sa propre aire de nettoyage. Le Centre des collections possède cependant un espace au rez-de-chaussée, plus vaste qu’une tente, destiné aux mêmes fonctions. Située à proximité du quai de débarquement, la « salle de quarantaine » est mise à la disposition de la première entité aux prises avec des problèmes de salubrité, chose pas inhabituelle.
Au maximum de sa capacité
La Société des musées de Montréal regroupe 41 institutions, mais chacune d’elles n’entrepose pas nécessairement ses avoirs rue Peel. Certaines sont autosuffisantes. Les locataires peuvent aussi bien être des gros musées que des organismes non membres de la SDMM, tels que des successions privées ou des regroupements oeuvrant dans le domaine des arts vivants.
Au bout du compte, le Centre des collections est utilisé au maximum de sa capacité. « On manque d’espace », assure Manon Lapointe. Devant une demande de plus en plus grande, en raison notamment du patrimoine religieux qui se retrouve sans toit depuis que les couvents et églises se vident, le Centre des collections doit s’agrandir. La recherche d’un deuxième site est au coeur des préoccupations courantes.
L’actuel emplacement, qui n’est pas remis en question, s’étale sur quatre étages et 129 000 pieds carrés, soit quatre fois la surface d’exposition qu’aura le Musée des beaux-arts de Montréal à la fin de 2016, après inauguration de son cinquièmepavillon. Manon Lapointe n’est pas en mesure de dire combien de pieds carrés supplémentaires lui sont nécessaires, mais le futur bâtiment pourrait bien doubler la superficie totale.
Les coûts d’exploitation sont aussi à déterminer, selon qu’il s’agira d’une construction neuve ou d’une autre reconversion. La transformation de l’ancien entrepôt Dow, financée par Ottawa et Québec, aura, elle, nécessité l’injection de 12,4 millions de dollars.
D’ici 5 ans, estime Manon Lapointe, le Centre des collections devra avoir concrétisé sa deuxième vie, dite phase 2. Celle-ci ne résoudra pas seulement la question d’espace, mais bonifiera aussi les services.
« Les besoins évoluent et les musées veulent de plus en plus de services en commun », note celle qui est arrivée à la SDMM en 2012. L’époque est à la rationalisation, et le partage des ressources, comme des savoirs, est une piste de solution de plus en plus exigée.
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