Des machines et des hommes

L’artiste Bill Vorn présente l’installation «Copacabana Machine Sex : Behind the Scene».
Photo: Cat Dong L’artiste Bill Vorn présente l’installation «Copacabana Machine Sex : Behind the Scene».

Dans la chambre noire du troisième sous-sol du pavillon EV de l’Université Concordia, cinq robots s’apprêtent à danser le french-cancan, sous les lumières fluorescentes et les boules en miroir d’une discothèque.

C’est Copacabana Machine Sex : Behind the Scene, la dernière installation de Bill Vorn, un « work-in-progress » qui sera présenté ce jeudi dans le cadre du vaste congrès Re-create, de Media Art Histories, organisé par le groupe Hexagram, mené conjointement par l’UQAM et l’Université Concordia, à Montréal. « Il ne manque aux robots que les plumes et les éventails », dit l’artiste et professeur de Concordia Bill Vorn, expliquant que ceux-ci ne tarderont pas à arriver puisqu’ils ont été commandés à New York.

Media Art Histories est né en Autriche en 2004 d’une volonté de retracer l’histoire des expressions artistiques dans un contexte de changements technologiques fulgurants. Depuis, l’organisme tient une conférence tous les deux ans dans différentes villes et pays du monde. C’est Montréal qui le reçoit cette année, et qui accueille 81 chercheurs de plus de 21 pays.

Marquant le rapprochement toujours plus flagrant entre le monde des arts et celui de la technologie, les conférences se penchent aussi sur « la perte de mémoire collective », comme le relève Gisèle Trudel, directrice sortante d’Hexagram-UQAM et professeure de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM. Elle-même a ainsi vu tomber en désuétude une de ses oeuvres, Milieux associés, qu’elle a pourtant exposée à la Biennale internationale des arts numériques pas plus tard que l’année dernière.

La vie des oeuvres numériques est en effet intimement liée à celle de leur support numérique, ou encore de leur système d’opération, les deux tombant vite en obsolescence. Pour Gisèle Trudel, il est justement intéressant de travailler avec « l’instabilité » et le caractère éminemment éphémère de l’art numérique.

Des oeuvres immersives

 

Au pavillon EV (pour « Engineering and Visual Arts ») de l’Université Concordia, où se trouve l’installation de Bill Vorn, la proximité entre technologie et beaux-arts est en effet très évidente. Au rez-de-chaussée, la galerie FOFA, qui participe également au congrès Re-create, propose les expositions Biomateria + Contagious Matters, de WhiteFeather Hunter et Tristan Matheson, et Tourmente, de Jean Dubois.

La première, que l’on visite avec des lunettes 3D et un casque d’écoute sur la tête, offre un contraste saisissant entre la voix d’une femme qui raconte son combat contre le cancer, et l’univers entièrement technologique et aseptisé des lieux. Dans un coin de l’exposition, les visiteurs sont même invités à mettre des gants de caoutchouc, un sarrau et d’autres lunettes pour manipuler des liquides réfrigérés qui pourraient bien être des matières résiduelles du corps humain.

Dans la vitrine de la galerie FOFA, Tourmente, l’oeuvre interactive de Jean Dubois, nous propose de respirer dans un téléphone cellulaire pour moduler des images projetées sur un écran. Un souffle, une voix, l’humanité en chair et en os est ici vraiment réduite à sa plus simple expression. Les oeuvres, fruits d’une collaboration entre le monde des arts et celui de la technologie, pourraient aussi exprimer la rivalité de ces deux domaines. Dans l’oeuvre Inferno, présentée actuellement à Paris, Bill Vorn et Louis-Philippe Demers proposent une expérience interactive entre les visiteurs et 25 robots. « Ce sont les robots qui contrôlent les humains », explique Bill Vorn.

Avec Copacabana Machine Sex : Behind the Scene, l’artiste, qui pratique la robotique depuis 25 ans, a voulu faire quelque chose de plus léger, plus frivole, « plus kitsch ». Reste à savoir si on arrivera à insuffler un certain sex-appeal à une machine de métal…

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