Pique-nique contre les coupes

Symboliquement, le Pique-nique des artistes en criss s’est déroulé au square Viger, puisqu’il est dans les plans de la Ville de Montréal de détruire l’Agora, une œuvre conçue par l’artiste visuel Charles Daudelin qui s’y trouve.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Symboliquement, le Pique-nique des artistes en criss s’est déroulé au square Viger, puisqu’il est dans les plans de la Ville de Montréal de détruire l’Agora, une œuvre conçue par l’artiste visuel Charles Daudelin qui s’y trouve.

Les monolithes de béton du square Viger à Montréal se sont animés d’une faune inhabituelle, dimanche. Environ 80 « artistes en criss » (selon leur propre appellation) et sympathisants à leur cause s’y sont retrouvés pour pique-niquer, mais surtout discuter des récentes tuiles tombées sur le milieu de la culture. Plus précisément, des compressions de 2,5 millions au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) annoncées le 23 juin dernier, des coupes surprises qui toucheront différents organismes, comme les associations d’artistes.

« [Les coupes au CALQ] ont déclenché une réaction consensuelle à travers les artistes », estime Édith Brunette, artiste visuelle qui coorganisait le pique-nique.

« On a décidé d’encourager une prise de parole pour démystifier ce qui se passe, renchérit l’artiste de performance Michelle Lacombe, son acolyte organisatrice. On se fie beaucoup aux fragments d’information qui viennent des médias. En créant un rassemblement où on peut partager nos connaissances, on met à jour notre compréhension des enjeux plus politiques. »

« L’idée n’est pas de prendre position ou de critiquer », ajoute Pablo Rodriguez, chercheur en histoire de l’art et défenseur des revendications des artistes. Il voit plutôt le pique-nique de dimanche comme l’occasion de butiner de l’information et de polliniser son propre cercle par la suite.

Satisfaite de la rencontre, Michelle Lacombe s’est dite rassurée par la présence d’artistes, mais aussi de commissaires, de directeurs d’organismes artistiques et d’autres acteurs du milieu.

Symboliquement, le Pique-nique des artistes en criss se déroulait au square Viger. Pour cause, il est dans les plans de la Ville de Montréal de détruire l’Agora, oeuvre conçue par l’artiste visuel Charles Daudelin il y a plus de trente ans.

En ce moment, le projet inachevé de Daudelin attire surtout des personnes itinérantes, des marginaux et le trafic de drogue. Le milieu culturel (dont quatre grands musées montréalais) s’indigne de la destruction annoncée du site, prônant plutôt la revitalisation de l’oeuvre de Daudelin.

Les coupes qui font mal

 

Déjà, Bastien Gilbert, directeur général du Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ), voit les répercussions des compressions au CALQ. L’organisation a perdu 12,5 % de ses subventions de fonctionnement, ce qui représentera sous peu un emploi en moins au sein du regroupement. « Ce 20 000 $, c’est le coup de pied de l’âne », illustre M. Gilbert, qui était présent au pique-nique des artistes.

« Dans son annonce, la ministre de la Culture [Hélène David] assurait que les coupes ne toucheraient que les structures. Mais c’est faux. Tout est interrelié, et c’est tout un écosystème qui sera affecté », renchérit Catherine Bodmer, artiste en fonction au RCAAQ.

« On s’intéresse plus à la culture comme levier économique qu’à l’art avec ce que ça comporte d’expérimental », dénonce quant à elle Édith Brunette. Par exemple, la fameuse stratégie culturelle numérique : très pointue, elle ne répond pas aux besoins du milieu, critique-t-elle. Elle encourage plutôt l’industrie du multimédia, un grand pôle d’investissement économique à Montréal.



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