Les projets de la Ville de Montréal suscitent la grogne

Le centre Dare-Dare a dynamisé le square Viger entre 2004 et 2006. Un prix Orange lui avait été attribué à l’époque.
Photo: Dare-Dare Le centre Dare-Dare a dynamisé le square Viger entre 2004 et 2006. Un prix Orange lui avait été attribué à l’époque.

Malgré la grogne, la Ville de Montréal va de l’avant avec le réaménagement du square Viger tel qu’elle le conçoit, en détruisant une partie du legs du sculpteur Charles Daudelin. Le responsable de la stratégie du centre-ville au comité exécutif de la Ville, Richard Bergeron, s’est montré ferme quant à l’avenir de l’oeuvre Agora, tant lors de l’Assemblée du conseil municipal, lundi, qu’en séance d’information, mardi.

« On a travaillé fort sur toutes sortes d’hypothèses. On ne voit pas comment [l’Agora] ne pourrait pas être démolie. Et elle sera démolie », a-t-il répété devant la centaine de personnes présentes à la rencontre « d’information sur l’état d’avancement de nos travaux », comme il l’a définie lui-même.

Au conseil municipal, le ton avait été similaire lorsqu’il a fallu défendre la décision de seulement sauvegarder et réparer la sculpture fontaine Mastodo, au coût de 2,6 millions. « Il n’y aura aucun recul quant à notre décision de démolir [l’Agora]. Ce que nous souhaitons, c’est que les héritiers de Charles Daudelin comprennent le sincère désir que nous avons d’honorer sa mémoire en faisant de Mastodo le point focal de ce quartier de la santé qui va renaître », avait répondu Richard Bergeron aux questions de l’opposition.

« Ce que je comprends, c’est que si vous avez un Picasso qui jure avec votre sofa, vous ne remplacez pas le sofa, vous prenez un copiste et vous regommez le Picasso pour qu’il aille avec votre sofa », avait alors riposté François Limoges, de Projet Montréal.

Citron ou orange

 

Le plan de l’équipe Coderre consiste à redessiner, à temps pour le 375e de Montréal, les îlots du square Viger adjacents au Centre de recherche du CHUM. Aux yeux de Richard Bergeron, il urge de remédier à un problème vieux de 30 ans. Il a tenu à rappeler que le square Viger a reçu des mauvaises critiques dès son inauguration en 1984, dont un des prix Citron que distribuait autrefois l’organisme Sauvons Montréal. Or, le politicien a omis de signaler que la même association avait, en 2005, décerné au même site un prix Orange (une réussite), lorsque le centre d’artistes Dare-Dare l’animait.

Richard Bergeron a profité de la soirée d’information pour inviter son auditoire à soumettre des propositions d’ici septembre. La nouvelle place découlera de cet « exercice de codesign » mené avec les citoyens, a-t-il insisté.

Nombreux sont ceux qui croient que les dés sont pipés. La période de questions, mardi, a été dominée par ceux qui militent pour la sauvegarde du site, selon les témoignages recueillis par Le Devoir.

 

« Il y a eu une fin de non-recevoir de la part de M. Bergeron. La grogne a monté, mais c’est resté civilisé, note Yannick Roberge, du bureau d’architectes-paysagistes Claude Cormier et Associés. On a pourtant entendu des solutions positives, qui visaient la conservation [des deux oeuvres de Daudelin] et amélioraient la sécurité et la mise en valeur du site. »

Invitation acceptée

 

Le Comité de sauvegarde de l’Agora, qui résume la soirée par l’intitulé « Réception houleuse du projet Bergeron », veut bien accepter l’invitation à soumettre des propositions. « Le Comité demande à la Ville de Montréal de rencontrer rapidement des interlocuteurs crédibles et compétents qui seront capables d’envisager l’avenir d’Agora de Daudelin autrement que sous les assauts des marteaux-piqueurs », lit-on dans le communiqué diffusé mercredi.

À noter que le Musée national des beaux-arts du Québec, où sont conservées les maquettes de Charles Daudelin, a exprimé son « soutien envers cette oeuvre exceptionnelle ». Pour la conservatrice de l’art contemporain (1950-2000), Ève-Lyne Beaudry, le square Viger abrite l’intégration urbanistique de Daudelin la plus aboutie. « On n’a jamais été interpellés par la Ville de Montréal, précisait-elle par téléphone au Devoir, mais si elle veut notre avis, elle aura notre entière collaboration. »

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