Les milieux du cinéma d’auteur et de l’art vidéo en émoi

Le milieu des arts médiatiques craint le transfert du programme Cinéma et vidéo, jusqu’ici géré par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). Un geste politique d’autant plus préoccupant que le flou demeure quant au réel déplacement de l’enveloppe de 4millions de dollars.
À la veille de l’étude des crédits budgétaires alloués à la culture et alors que les grands joueurs du cinéma s’insurgent contre la réduction des crédits d’impôt de 20 %, les artistes de la vidéo et du cinéma expérimental s’inquiètent du sort réservé au programme Cinéma et vidéo, dont l’enveloppe de 4,1 millions de dollars n’apparaît plus dans le budget du CALQ.
« Les rumeurs laissent entendre qu’il [le programme] serait transféré à la SODEC, rapporte Robin Dupuis, président du Conseil québécois en arts médiatiques (CQAM), qui tire 50 % de son budget de fonctionnement de ce programme. Selon le CALQ, c’est un transfert avec les crédits. Selon la SODEC, il y aurait transfert du programme, mais sans les sommes. Ça crée beaucoup d’inquiétude. »
À cause du congé de la Fête nationale, ni le CALQ, ni la SODEC, ni le ministère de la Culture n’ont pu confirmer ces informations au Devoir. Chose certaine, l’incertitude plane sur la teneur réelle des sommes allouées à la culture en vertu du budget Leitao. Un brouillard que l’étude des crédits budgétaires, devant la Commission de la culture, devrait dissiper, ce jeudi.
Coupe déguisée ou rapatriement à la SODEC de tous les programmes destinés au cinéma ? Dans l’un ou l’autre cas, le geste secoue le milieu des arts médiatiques. La première lecture, plus drastique, « risque d’annihiler toute une écologie qui existe depuis 40ans et qui connaît une certaine effervescence » — celle du cinéma de création et de la vidéo d’art, terreau d’expérimentation essentiel à la vitalité du cinéma d’auteur et de l’art numérique québécois, signale M. Dupuis.
La seconde lecture ne réjouit guère plus, selon M. Dupuis. « La SODEC est plus dans une logique d’investissement et n’a pas l’expertise pourgérer des OBNL. Le CALQ est dans une logique de soutien à la création. Ses programmes appuient des centres d’artistes et des coops de films. » On s’étonne aussi de la manière dont la décision aurait été prise : une manière unilatérale, sans l’avis des milieux ni des organismes subventionneurs.
Une lettre émanant des artisans de la fiction et du documentaire circule aussi depuis mardi à ce sujet. On y réclame le maintien du programme au CALQ, faisant valoir que sa mission et celle de la SODEC sont différentes et participent chacune à leur manière « à l’essor et au rayonnement du cinéma et de la vidéo ». La lettre cumulait déjà plus de 250 signatures quelques heures après son envoi, selon un de ses instigateurs et signataires, le réalisateurYanick Létourneau (Les États-Unis d’Afrique, 2011). On compte aussi parmi les signataires Philippe Falardeau, Paule Baillargeon, Serge Giguère et les Réalisatrices équitables.