Culture: temps d’inaction, temps de réflexion

Le ministre de la Culture du Québec, Maka Kotto
Photo: Marie-Hélène Tremblay - Le Devoir Le ministre de la Culture du Québec, Maka Kotto

Le foisonnement des groupes de travail et des consultations a dominé la scène politique culturelle en 2013. Année de stagnation ou de réflexion constructive? 2014 s’annonce déjà plus active, démarrant avec la très attendue stratégie numérique.

 

Groupe de travail sur la philanthropie culturelle, sur les musées, sur le cinéma ; consultations sur le site patrimonial de Sillery, commission parlementaire sur le prix réglementé des livres : l’année a mis plusieurs secteurs culturels sous évaluation. Résultat : peu d’actions concrètes ont été entreprises par ce gouvernement aux mains liées par les révisions budgétaires et l’atteinte du déficit zéro.

 

Les plus cyniques concluront à la stagnation et à la procrastination d’un gouvernement qui ne sait pas trop où donner de la tête. Chose certaine, le ministre de la Culture, Maka Kotto, avait prédit au Devoir dès janvier : « Nous avons 18 mois difficiles à passer. »

 

« [Les groupes de travail] c’est dans l’air du temps, affirme Diane Saint-Pierre, sociologue de la culture et spécialiste des politiques culturelles. Dans les périodes où on a moins de ressources et où on peut faire moins de développement, les gouvernements ont tendance à regarder en arrière et à faire des évaluations. »

 

L’exercice ne rime pas nécessairement avec stagnation, selon elle, rappelant le foisonnement de tels groupes dans les années 1980, autre période de crise économique et de compressions. « Cela a donné deux lois sur les conditions de l’artiste, la révision des politiques muséales, de l’édition, du cinéma… »

 

Elle salue d’ailleurs le rapport du groupe de travail sur la philanthropie culturelle, qui entend hausser de 50 % les dons des particuliers et des entreprises en culture, qui ne représentent au Québec que 3 % de l’ensemble des dons. « C’est une belle réflexion qui devait se faire. Maintenant, il faut voir comment on donnera suite à toutes ces recommandations. »

 

Québec a réagi rapidement à certaines d’entre elles, en créant de nouveaux incitatifs fiscaux. Et en assouplissant le très populaire programme Mécénat Placement Culture : dans certains cas, les fonds privés récoltés par les organismes culturels puis appariés par Québec pourront être encaissés tout de suite.

 

« Je perçois ça comme un accompagnement [de l’effort financier] et non un désengagement de l’État. C’est une nécessité dans le contexte mondial actuel, avec tous les défis qui vont croissant. Et ça fait mieux connaître l’apport de la culture dans le développement de la société. Car c’est là où le bât blesse : dans la méconnaissance de cet apport. »

 

Salutaire, aussi, la vaste analyse des enjeux muséaux que viennent de livrer Claude Corbo, Laurier Lacroix et Marie Lavigne. « C’est un secteur qui vit une problématique criante. Les organismes reconnus et non soutenus représentent une part importante du milieu. Même du côté des musées nationaux, comment peuvent-ils se développer quand leur budget est gelé depuis des années ? »

 

Bref, l’année doit ressembler à celle de bien d’autres secteurs. « On n’est pas dans une période de croissance et d’élargissement des mandats. C’est une année où on aiguise les crayons et on mobilise les gens sur des problématiques. »

 

Mais, pendant ce temps, les fonctionnaires travaillent sur des dossiers qui vont porter fruit, croit-elle. La refonte de la politique culturelle du Québec, qui date de 1992, est à l’ordre du jour politique. Le nouveau lieu de Robert Lepage aussi. Attendue des libéraux, deux fois reportée par un Parti québécois fraîchement arrivé au pouvoir, la stratégie numérique du ministère de la Culture et des Communications sera (enfin !) dévoilée, début 2014, confirme le cabinet du ministre Kotto. Les délais de sa réalisation s’expliquent par les consultations menées sur le développement des technologies numériques, afin d’élaborer une position commune et de mesurer la pertinence des actions à poser.

 

Mieux vaut tard…

****

Le prix unique: une bataille à moitié gagnée

Précédé d’une longue bataille menée par un milieu de l’édition visiblement uni, le débat sur la réglementation du prix des livres s’est démarqué cette année parmi les remue-méninges, débouchant sur l’annonce d’un projet de loi à venir. Il s’agira de limiter les rabais à 10 % sur le prix de vente des livres neufs pendant une période de neuf mois, pour tenter de sauver les libraires. Toutefois, l’entrée récente d’Amazon au registre des lobbyistes et les objections des principaux partis d’opposition laissent présager plusieurs luttes à venir. « On a fait énormément de chemin, parce que le sujet a été débattu sur la place publique », affirme Élodie Comtois, porte-parole du mouvement Sauvons les livres, sans oser crier victoire. Reste, selon elle, à déconstruire le mythe selon lequel les livres coûteront plus cher en raison de cette mesure. Et à faire comprendre la menace bien plus grande du statu quo, qui risque de laisser quelques oligopoles faire la loi des prix, comme aux États-Unis. Autre bataille à mener pour aider plus fondamentalement les libraires et le livre : presser Québec de stimuler la lecture. Diane Mockle, de la Fondation pour l’alphabétisation, a incité les parlementaires à s’y engager en commission et se promet de « retaper sur le clou ».

À voir en vidéo