Le Studio 303 et l’OFFTA écopent de coupes fédérales
Deux diffuseurs de la scène culturelle québécoise écopent de coupes fédérales. En fait, il s’agit de projets non approuvés, qui privent le Studio 303 et l’OFFTA d’une tranche importante de leurs revenus. Deux petits joueurs culturels qui pèsent pourtant lourd dans l’écologie de la culture d’avant-garde au Québec.
Le Studio 303, qui présente à l’année des créations interdisciplinaires et chorégraphiques, s’est vu refuser l’accès à une subvention du Fonds du Canada pour la présentation des arts, qu’il reçoit pourtant de Patrimoine canadien depuis 12 ans. Malgré des réductions ponctuelles de l’enveloppe, celle-ci s’élevait à 40 000 $ ces dernières années, soit plus de 10 % de son budget (qui varie toutefois d’une année à l’autre).
« Ça nous force à retourner à un budget d’il y a sept ans alors qu’on s’est beaucoup développés et qu’on a des évaluations extraordinaires », déplore Miriam Ginestier, directrice artistique et générale du petit diffuseur reconnu comme un foyer de création émergente et alternative. Elle a dû réduire sa programmation de moitié, mettre à pied une employée et deux contractuels pour condenser 65 heures de travail en un seul poste à temps plein. Et l’événement phare Edgy Women, qui donne une vitrine depuis 20 ans aux pratiques artistiques féministes, perdra sa dimension de festival pour devenir Edgy Women Redux. « C’est sûr que ça va affecter les artistes », dit-elle, reconnaissant que le retrait d’Ottawa se conjugue à d’autres circonstances aggravantes : l’augmentation des frais fixes et une légère baisse des revenus autonomes…
Incompréhension
Mme Ginestier essaie de comprendre tant bien que mal une situation qu’elle-même qualifie de « complexe », vu le ballottage d’un programme de soutien à l’autre. « Avant, on pigeait dans plusieurs enveloppes. Maintenant, on doit tout mettre dans deux demandes revues à la baisse. » Elle ne se plaint pas tant du resserrement des règles que de la volatilité des sommes versées sur la base ponctuelle de projets.
Elle se sent surtout impuissante devant l’absence d’explications liées à ce retrait de financement, alors que les échanges avec les agents fédéraux sont habituellement ouverts et francs. « Je trouve que le processus n’est pas transparent ; ça souligne la fragilité de ce programme. »
Même s’il ne fait pas appel aux mêmes programmes de subvention, l’OFFTA a aussi essuyé le refus de Patrimoine canadien à sa demande de subvention « au projet », à la veille de sa septième édition, tenue en mai-juin dernier. « C’est un petit montant de 13 000 $, mais c’est notre plus grosse subvention, et on la recevait depuis quatre ans », indique au Devoir Jasmine Catudal, fondatrice et directrice artistique du festival.
L’organisme a mené une campagne de financement participatif en ligne pendant la tenue du festival, qui lui a permis de sauver les meubles temporairement (quelque 6000 $ amassés), mais « la pérennité du festival est vraiment mise en jeu », selon Mme Catudal. Elle s’étonne d’autant plus de la décision que son festival a des retombées artistiques importantes. Le chorégraphe Frédérick Gravel est d’abord passé à l’OFFTA avant d’accéder au Festival TransAmériques et de faire les scènes françaises. Idem pour le comédien-auteur Mani Soleymanlou, qui a foulé les planches du Théâtre national de Chaillot à Paris après son passage à l’OFFTA. Entre autres exemples.
« Ça prend ces espaces d’expérimentation pour pouvoir créer des spectacles après dans les grandes salles », souligne la directrice, en incluant le Studio 303 dans le lot. Des ponts structurants pour le milieu dont la non-reconnaissance laisse un goût amer dans la bouche des deux directrices.