Perfectionner l’art de donner

C’est grâce à la générosité d’une mécène que le talent de Stéphane Tétreault peut s’exprimer sur un Stradivarius.
Photo: - Le Devoir C’est grâce à la générosité d’une mécène que le talent de Stéphane Tétreault peut s’exprimer sur un Stradivarius.

La première ministre du Québec, Pauline Marois, s’engage à donner rapidement suite aux recommandations du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle, qui souhaite faire grimper de 50 % en quatre ans les dons privés versés au secteur culturel.


Dans un rapport rendu public mardi, le groupe de travail présidé par le mécène Pierre Bourgie a dévoilé une batterie de mesures dont l’application aurait pour effet de convaincre les Québécois de délier plus facilement les goussets quand il s’agit de donner un coup de pouce au milieu culturel.


Selon le comité, l’ensemble des mesures proposées pourrait faire passer d’ici quatre ans de 45 à 68 millions les dons versés aux organismes culturels par les entreprises et les particuliers.


« Je m’engage à ce qu’il y ait des suites […]. Ce rapport est fort pertinent. Il y aura très rapidement un suivi des propositions présentées », a dit Mme Marois, rappelant que les ministères de la Culture et des Finances ont travaillé de façon étroite avec ce comité, mandaté en janvier dernier.


D’entrée de jeu, le groupe d’experts rappelle que les Québécois sont deux fois moins généreux (208 $ par an) que les Canadiens (446 $) quand il s’agit de verser des dons en argent. En 2010, les Québécois ont versé un maigre 3 % de leurs dons à la culture, soit 35 millions. Un écart culturel qu’on attribue à la très grande présence de l’État dans le milieu de la culture, depuis la Révolution tranquille.


« Si on compare ce que font les entreprises québécoises aux entreprises canadiennes, nous sommes au même niveau de don. C’est chez les […] citoyens que la différence est plus grande. C’est un défi important à relever, mais je crois que nous sommes capables d’y arriver », a dit la première ministre, qui assure que ces mesures ne se traduiront pas par un désengagement de l’État dans le financement de la culture.

 

Assurer la pérennité


Le comité Bourgie propose d’abord de donner plus de muscle au programme Mécénat Placements Culture (MPC), un programme d’appariement de dons qui a permis depuis 2006 de faire atterrir 67 millions dans les caisses des organismes culturels. Mais la demande est grande. Il faut trois ans pour accéder au programme, et dix ans pour toucher les sommes obtenues, gelées dans des fonds de réserve. Victimes du budget minceur péquiste, les fonds attribués à MPC (4,5 millions) ont été sabrés de moitié en 2013-2014. « Il faut stabiliser le montant accordé à ce programme et le protéger des fluctuations qu’il a connues jusqu’ici », a indiqué Pierre Bourgie au Devoir.


Comment ? En portant d’ici trois ans de 4,5 millions à 10 millions le montant annuel alloué par Québec au programme. Le comité propose du même coup de créer le Fonds Avenir Mécénat Culture, un fonds dédié, financé à même les revenus des sociétés Loto-Québec, SAQ et Hydro-Québec, dont la capitalisation (200 millions en 10 ans) permettrait à terme d’autofinancer le programme.


Pour susciter la naissance « d’un nouveau mécénat », le comité recommande de hausser à 25 % le crédit d’impôt alloué pour un premier don en culture. Au final, un don de 5000 $ se traduirait par un déboursé réel de 1162 $ pour le donateur. À l’heure actuelle, ce crédit est de 20 % sur les premiers 200 $ et de 24 % sur l’excédent. « À partir de 5000 $, un don peut faire une grande différence. C’est ce premier geste qu’on veut encourager », explique le président du groupe de travail.


Pour encourager le grand mécénat, le crédit d’impôt serait quant à lui porté à 30 % pour les particuliers s’engageant à verser 250 000 $ en dix ans à un organisme culturel.

 

Investir tôt dans la culture


Enfin, le rapport du comité s’éloigne des seules mesures fiscales. Il déballe toute une série de pistes pour rapprocher les milieux d’affaires et culturels et insuffler, très tôt chez les jeunes, le goût de l’art. Notamment, en abaissant à 1 $ le tarif d’entrée dans les musées d’État pour les écoliers, et en augmentant la déduction fiscale accordée aux donateurs d’une oeuvre d’art destinée à un espace public, et plus encore, à un lieu d’enseignement.


Le rapport préconise aussi la protection des ateliers d’artistes dans le tissu urbain. Pour y parvenir, il invite la Société immobilière du Québec à recenser tous les immeubles susceptibles d’abriter ce type d’ateliers et prône la création d’un incitatif pour encourager le don d’immeubles à des organismes culturels.


Plus encore, le comité souhaite que la politique d’intégration des arts à l’architecture (politique du 1 %), qui a fait ses preuves dans le secteur public, soit appliquée au secteur privé. Un allégement fiscal serait offert aux entreprises qui alloueraient 100 000 $ ou plus (1 % pour les grands projets) de leur budget de construction à des oeuvres d’art public.


Le rapport propose enfin la création du programme Partenaires. Une mesure qui vise la création d’un organisme indépendant, capable de fournir gratuitement des services-conseils, une plateforme de sociofinancement (crowdfunding), et une banque de parrains aux organismes culturels de toutes les régions Québec.


Au final, toutes ces mesures coûteraient au plus 15 millions par année, et moins quand le programme MPC atteindra l’autofinancement. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain souscrit à la volonté de bonifier le programme Mécénat Placements Culture. Le président et chef de la direction de la CCMM, Michel Leblanc, a qualifié mardi les objectifs du comité de « réalistes et pertinents ».

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