Le photographe Tshi retrouvé mort

Tshi s’était établi une solide réputation de portraitiste par des cadrages serrés en noir et blanc et une esthétique particulière misant sur la proximité du sujet et des contrastes très vifs.
Il travaillait avec du matériel très simple, à l’instinct. Un vieux reflex argentique et surtout un appareil suédois au format carré, usé et cabossé, le suivaient partout.
« Sa technique est simple », résumait la chanteuse Karen Young en 1996 : « Il s’approche le plus près possible, pénétrant votre espace vital, devançant votre distance critique. Durant quelques instants, il vous laisse alors nu, sans protection, sans contrôle. » Dans ses face-à-face serrés, toujours à l’aide de lumière naturelle, il plongeait dans l’intensité des regards pour nous révéler le sien. Tout le monde y passait : Oscar Peterson, Leonard Cohen, Jean Leloup, Diana Krall, Gilles Vigneault, Margaret Atwood, etc.
Durant la belle saison, il fut longtemps un collaborateur du Devoir. À compter de 1995, il a suivi de très près le Festival de jazz. Le Devoir a consacré des pages entières à son travail, rebaptisant même l’événement du nom « Festival Tshi ». Amoureux du jazz, il comptait publier un livre de ses portraits.
En 1997, il remportait le prix du Magazine canadien pour un essai-reportage à l’aéroport britannique d’Heathrow. Il reçut de nouveau un grand prix en 2001 pour son reportage consacré au Kentucky Derby.
Passionné par le cinéma au format Super 8, il a réalisé plusieurs vidéos. Il obtint en 1998 le Félix du réalisateur de vidéo de l’année au gala de l’ADISQ pour Le monde est à pleurer de Jean Leloup. Il a aussi tourné notamment pour Lhasa de Sela et Bet. e Stef.
Allure frêle, éternelle cigarette au bec, toujours quelque peu inquiet et tourmenté, Tshi est né Éric-Charles Simonneau en 1965, une identité farouchement soustraite à la lumière. Pour les besoins d’une carte de presse, il se faisait plutôt appeler Raoul Volfoni, du nom d’un personnage du film Les tontons flingueurs…
Tshi a passé une partie de son enfance au Maroc, à Fedala-la-Blanche. Après un bac en philosophie et divers voyages, il avait fini par atterrir au Québec, avant de rejoindre l’agence parisienne VU en 2001, tout en continuant de travailler depuis son atelier montréalais.
Photographe autodidacte, il avait quitté Montréal il y a deux ans de façon précipitée afin d’accompagner les derniers jours de sa mère. Cette mort l’avait profondément affecté, le plongeant dans un état dépressif qui lui fit abandonner à peu près complètement la photographie. C’est dans l’ancien appartement de sa mère, tout juste vendu, que son corps a été retrouvé le dimanche 7 avril. La mort remonterait à quelques jours. Une autopsie sera pratiquée avant la crémation prévue pour mercredi à La Rochelle.