Paris — « Injurié » par le premier ministre qui avait jugé « assez minable » son exil fiscal en Belgique, l’acteur Gérard Depardieu a dit dimanche vouloir « rendre » son passeport français, s’attirant les foudres du gouvernement, à deux doigts de l’accuser de haute trahison.
C’est ce qualificatif de « minable » qui semble être resté en travers de la gorge d’un des monstres sacrés du cinéma français qui adresse au chef du gouvernement une lettre ouverte publiée par le Journal du dimanche. « Tous ceux qui ont quitté la France n’ont pas été injuriés comme je le suis. Je vous rends mon passeport. Nous n’avons plus la même patrie », écrit l’un des acteurs les mieux payés du cinéma français. « Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent, en fait la différence doit être sanctionnée », poursuit celui qui va aller vivre dans le village de Néchin, frontalier de la France.
Le maire de Néchin avait annoncé le 9 décembre l’arrivée du comédien, attiré comme de nombreux autres Français par la fiscalité de la Belgique, où il n’y a pas d’impôt sur la fortune ni de taxation des plus-values. Un départ « assez minable », avait alors réagi le premier ministre, Jean-Marc Ayrault. « Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande M. Ayrault ? », lance M. Depardieu.
Il n’est cependant pas facile de perdre la nationalité française. S’il persiste dans son intention, Gérard Depardieu devra commencer par déposer une demande de naturalisation en Belgique.
Selon le maire de Néchin, Gérard Depardieu s’est déjà renseigné sur la procédure à suivre. « Nous avons eu un contact téléphonique ce dimanche matin… M. Depardieu a demandé comment faire pour obtenir un passeport belge », a déclaré Daniel Senesael. « Ce n’est pas du tout facile », a-t-il cependant souligné. Le droit à un passeport belge découle de la nationalité belge. Il n’y a pas d’exception », a confirmé dimanche soir à l’AFP un porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères.
Accusé de déserter
En attendant, plusieurs ministres ont vivement réagi, accusant l’acteur de manquer de patriotisme. Gérard Depardieu « déserte le terrain de bataille en pleine guerre contre la crise », s’est indignée la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a vu dans la décision de l’acteur « une forme de déchéance personnelle », une « attitude pas à la hauteur de l’acteur ».
La droite met elle en cause le « matraquage fiscal » de la gauche qui a alourdi la taxation des plus fortunés depuis son arrivée au pouvoir en mai et elle affirme qu’un exil fiscal des riches est en cours.
Pour l’instant peu d’éléments permettent de quantifier le phénomène. Le député socialiste Philip Cordery, qui réside à Bruxelles, estime que sur les 200 000 Français vivant en Belgique, 1500 à 2000 seraient là pour des raisons de fiscalité.
Le président de la commission des Finances de l’Assemblée, Gilles Carrez (UMP), a demandé cette semaine au gouvernement qu’« une analyse objective et rigoureuse des départs ou retours de Français pour des raisons fiscales soit conduite ».
D’autres célébrités prêtes à assumer les impôts
Si on parle beaucoup des départs, comme celui de l’acteur Christian Clavier qui s’est installé à Londres, certaines célébrités du show-business ont tenu ces derniers jours à se démarquer de Gérard Depardieu.
Longtemps catalogué à droite, le chanteur Michel Sardou a assuré ne pas « être choqué » par la nouvelle tranche d’impôt à 75 % pour la part des revenus dépassant le million d’euros. « On est quand même tous conscients qu’on est dans la merde ! Et ce n’est pas mon genre de fuir », a lancé le chanteur. « Si vous me demandez si je ferais la même chose, je vous dirais non. Mon pays est en difficulté, mon pays m’a apporté beaucoup de bonheur, alors on ne quitte pas le bateau », a lancé la comédienne et chanteuse Line Renaud.
Et Michel Houellebecq, l’un des écrivains français vivants les plus connus à l’étranger, a confirmé dimanche son retour à Paris après onze ans d’exil fiscal en Irlande.
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