Des femmes de mots qui ont du chien

Elles sont dix femmes de mots, de voix et de présence. Des performeuses, écrivaines, chanteuses, actrices, choisies une à une par la slameuse Marie-Paule Grimaldi, l’idéatrice de ces intrigantes Filles qui ont de la gueule. Réunies jeudi au Lion d’Or, ces plumes libres vont projeter la création littéraire féminine sur la scène politique et sociale avec, en trame de fond, un printemps québécois pas comme les autres.
Des coups de gueule, le Québec en a connu plus que sa part ces derniers mois, spécialement dans les réseaux sociaux. Livrées à chaud à coups de courtes phrases assassines, ces montées de lait sont à des lieues des poussées de fièvre finement ciselées qui formeront l’épine dorsale de ce cabaret d’un soir, assure Mme Grimaldi. « Dans les réseaux sociaux, on prêche pour notre paroisse dans des mots attendus. Dans un spectacle comme le nôtre, la parole est plus construite, mais aussi plus libre, parce qu’elle naît d’une réflexion artistique. »
Éclaté à travers poésie, slam, spoken word, performance, chanson, conte et dramaturgie, le spectacle-événement prendra la forme d’un cabaret de paroles sauvages et décomplexées. À ce titre, il s’inscrit en droite ligne dans l’esprit du Festival international de la littérature (FIL) qui, à 18 ans, entre dans un âge de rébellion. « J’ai choisi ces femmes-là parce qu’elles sont exactement ce qu’elles sont, c’est-à-dire des créatrices engagées, sans peur ni reproche », confirme la jeune slameuse.
Ces femmes qui vont se succéder au micro, ce sont des actrices à fleur de peau comme Louise Bombardier, des slameuses d’expérience comme Queen Ka, de jeunes écrivaines comme Annick Lefebvre, ou encore des musiciennes comme Geeta avec son lyrisme à la Tom Waits. Toutes sont des créatrices à part entière qui ont en commun la volonté de définir un féminin qui cherche sa route. Sans compromis.
Construit sur des mots qui claquent et porté par des idées qui bousculent, le cabaret aura du chien. « Ce ne sera pas un spectacle de bonnes femmes », insiste l’animatrice de la soirée, qui dit croire en un féminisme inclusif et moderne. « On va regarder la vie en face. Avec tout ce que cela suppose d’ombre. » Y compris la mort, ajoute-t-elle après une courte pause. « [La musicienne] Ève Cournoyer devait être avec nous sur scène ; sa disparition a marqué profondément le spectacle [depuis dédié à sa mémoire]. »
À fleur de peau, les textes - pour la plupart de nouvelles créations - seront portés par un même désir, celui de « rentrer dedans » par tous les moyens qui soient, y compris par la douceur. « Il y aura beaucoup de lyrisme, de la poésie. Le contenu est vraiment très éclaté, autant en force qu’en fragilité », calcule Mme Grimaldi.
Peu importe la forme qu’ils prendront, ces coups de gueule répondent à un besoin réel, croit la slameuse et poète. « On le sent, les gens ont soif de sens et faim d’une prise de parole authentique, à nu ; c’est une nourriture essentielle dont on ne peut plus se passer. » C’est donc tout naturellement que la soirée se terminera sur un micro ouvert à tous - garçons compris - pour une session de slam improvisée.