Une exposition jugée trop osée à Ottawa

Les groupes de défense des valeurs traditionnelles auront-ils la peau de Sexe : l’expo qui dit tout, qui a ouvert ses portes au grand public hier à Ottawa ? Après avoir été présentée sans avoir soulevé la moindre controverse à Montréal et à Régina, l’exposition itinérante mise sur pied par le Centre des sciences de Montréal est menacée d’annulation.

À la veille de l’inauguration de l’exposition éducative, le ministre du Patrimoine, James Moore, a rappelé à l’ordre le musée qui l’accueille. « Le mandat du Musée des sciences et de la technologie du Canada qui figure dans la Loi sur les musées à promouvoir la culture scientifique et technologique à travers le Canada. Il est clair que cette exposition ne correspond pas à ce mandat », a expliqué le ministre Moore à la direction de l’établissement.


L’Institut du mariage et de la famille du Canada exhortait le gouvernement conservateur à faire annuler cette exposition « titillante », « érotique » et qui ne dit mot du mariage.


L’élu conservateur a pourtant assuré hier à la Chambre des communes s’être gardé d’avoir dicté la conduite du musée. « Je respecte l’indépendance du musée, mais on m’a demandé mon avis », a-t-il souligné avant d’ajouter : « À mon avis, il n’est pas approprié pour les jeunes enfants d’être exposés à du matériel sexuellement explicite sans le consentement de leurs parents. J’ai partagé ce point de vue au musée. »


La mise en garde adressée à l’établissement par le ministre du Patrimoine a piqué au vif le chef de l’opposition officielle. « Je n’ai jamais vu ça dans une société libre et démocratique. […] Je n’en reviens tout simplement pas, a tonné Thomas Mulcair. On est rendu que le gouvernement se mêle de ce qu’on peut montrer dans les musées. »


Le chef du Parti libéral, Bob Rae, insisté sur l’indépendance des musées. M. Moore « a joué un jeu qu’il ne doit pas jouer », a ajouté le député bloquiste Jean-François Fortin.


Sexe : l’expo qui dit tout a auparavant été à l’affiche du Centre des sciences de Montréal et au Saskatchewan Science Centre. « Nous n’avons eu aucune plainte », a indiqué Julie Mailhot, relationniste au Centre des sciences de Montréal.


L’expo a été récompensée par le Prix excellence 2011 de la Société des musées québécois et par le prix Meilleur exposition/meilleur spectacle - Grande institution de l’Association canadiennes des centres de sciences.


« En sortant, une grand-maman nous a dit : “ j’aurais aimé ça avoir un outil pareil quand moi, j’étais adolescente ” », se rappelait hier Louise Julie Bertrand, chef développement et réalisation au Centre des sciences de Montréal. Elle s’expliquait mal tout le tapage entourant le coup d’envoi de l’exposition dans la capitale canadienne. « Je ne vois pas pourquoi on s’offusque », a-t-elle laissé tomber, tout en faisant remarquer que les Lignes directrices canadiennes pour l’éducation en matière de santé sexuelle ont été scrupuleusement respectées.


« Les adolescents se posent beaucoup beaucoup de questions sur la sexualité. Ils vont aller là où ils peuvent pour trouver les réponses ; le Web et la cour d’école. On peut s’entendre que ce ne sont pas les sources d’information les plus fiables », a notamment fait valoir Mme Bertrand afin de justifier la pertinence de Sexe : l’expo qui dit tout.


« On a testé nos idées constamment auprès des adolescents, des parents et des enseignants. En plus, un comité scientifique nous a suivis tout au long du développement de l’exposition. On a suivi ses conseils, ses suggestions à la lettre. »


En 2010, le ministre du Patrimoine, James Moore, a fait savoir qu’il ne mettrait pas les pieds au Musée des beaux-arts du Canada afin de jeter un oeil à Made in Heaven, une série de photographies explicites mettant en scène son auteur Jeff Koons et la star du porno Ilona Staller, présentée dans le cadre de l’exposition La vie en pop.

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