Et si les murs pouvaient parler...

Photo: Michel Brunelle

Méconnu, parfois malfamé, le quartier Saint-Michel bénéficiera demain d’une pléiade d’activités pour se montrer sous un autre jour. Et sous d’autres mots. L’événement Lire Montréal y tient là, toute la journée, sa deuxième édition.

La vue, en haut de l’École nationale de cirque, est impressionnante. Un Montréal rarement vu : les gratte-ciel du centre-ville et l’oratoire Saint-Joseph dans le même cadre. Ce panorama, la Cité des arts du cirque, en bordure de la carrière Miron, peut se targuer d’être une des seules à l’offrir.


Ici, dans le quartier Saint-Michel, la vie n’est pas uniquement la sombre réalité dépeinte par les médias. Il y a de multiples raisons de le croire et, demain, l’événement Lire Montréal donnera l’occasion de le constater. Sous l’intitulé « L’imaginaire du quartier Saint-Michel », une dizaine d’activi-tés ponctueront la journée : parcours guidés, ateliers de création, expositions, lectures.


Au menu figure une visite de l’École nationale de cirque, établie depuis 2003 au côté du siège social du Cirque du Soleil et de la Tohu. En compagnie du meilleur guide, l’architecte Frédéric Dubé, de la firme Lapointe Magne et associés, qui a conçu le bâtiment, les gens pourront donc y entrer et même contempler Montréal autrement. L’intégration à un environnement est certes primordiale, mais dans ce cas le lien avec le reste de la ville a été un des points déterminants du concept architectural.


« Il était important de créer ce lien, de garder un contact avec toute la communauté, explique Frédéric Dubé. Les gens pensent qu’au-delà de l’autoroute Métropolitaine, ils sortent de la ville, ils sont loin. »


Or c’est faux, croit l’architecte. Il fallait donc changer cette impression, d’autant plus que, parmi les deux centaines d’étudiants, plusieurs ne sont pas Montréalais. Il était primordial de ne pas leur donner cette fausse sensation de vivre en périphérie.


La carapace de l’École, tout comme ses espaces intérieurs, est dominée par l’ouverture et les grandes dimensions. Les motifs de la fenêtre et des longues lignes ont guidé les architectes. C’est pourquoi aussi, en lieu et place de la forme circulaire, ou de l’image du chapiteau, la verticalité est le trait distinctif du bâtiment.


C’est ce qui fait « son identité visuelle », selon Frédéric Dubé, et ce qui lui permet d’être repérable depuis l’autoroute. Aux confins de deux disciplines (l’éducation et le cirque), cette institution est une chose rare dont l’image restait à inventer. Sa hauteur, sur sept étages, permettait aussi d’inclure les notions de vertige et de risque propres au monde circassien.


La visite de l’École nationale de cirque ne se fera pas qu’à travers les mots de l’architecte. La poète Catherine Cormier-Larose interviendra au fur et à mesure du parcours, question de relever, par la fiction, la singularité des lieux.


« Je m’adresse au bâtimentpour que ce soit moins froid», confie-t-elle. » Habituée à « sortir la poésie dans la rue, à dire des textes dans les parcs », elle mettra du sien, avec des mots simples, « qui s’expliquent d’eux-mêmes », pour parler acrobatie, vertige, tradition équestre. « Mon idée de la poésie est qu’il faut la performer : elle doit passer par la voix. À l’écrit, on ne comprend pas les mêmes choses. »


Seconde lecture


L’événement Lire Montréal, dont c’est la deuxième édition demain, est destiné à revisiter des quartiers à travers la lecture. Lecture au sens large : historique, patrimoniale, architecturale, etc. Dans cette fête où on marie mots et béton, élaborée d’abord dans Parc-Extension, puis mise en place sur le Plateau Mont-Royal l’an dernier, la littérature reste une invitée de premier ordre.


Au parc octogonal, une singularité urbaine à Saint-Michel près de l’école secondaire Joseph-François-Perreault, on tiendra dès 11 h une tente de lecture pour enfants. À la bibliothèque voisine, la bande dessinée sera présente avec la bédéïste Geneviève Giroux, qui s’est inspirée du peintre Onésime-Aimé Léger (1881-1924) et de ses tableaux de la « montée » Saint-Michel. En soirée, le texte prendra voix et musique dans le cadre du Boxing Day poétique au bistro TribuTerre, rue Jarry, à quelques pas du complexe circassien.


Cette « édition 2 » de Lire Montréal s’inscrit dans le cadre des célébrations du centenaire de Saint-Michel. Les trois têtes qui tiennent ce minifestival à bout de bras et avec plein de bonne volonté - et sans subventions -, Charlotte Horny, Olivier Légaré et Maria Luisa Romano, ne prétendent pas tout inventer. L’organisation de la journée se fait en collaboration avec les organismes locaux et des idées déjà sur place. On ne s’empêche pas d’inclure des gens de l’extérieur, comme les deux paysagistes qui mèneront la promenade d’une heure trente autour des carrières Miron et Saint-Michel et qui, assure-t-on, ne connaissaient pas ces sites.


« L’imaginaire du quartier Saint-Michel » passe en bonne partie par le développement de nouveaux points de vue. Comme le Montréal qui, vu du haut de l’École nationale de cirque, repose sur une description inusitée.

 

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