Art numérique au Musée des beaux arts de Montréal - Robert Lepage présente Fragmentation, une incursion en 3D dans l'univers de Lipsynch

Vingt-cinq ans après y avoir présenté la performance solo VINCI qui l'a propulsé sur la scène internationale, Robert Lepage est de retour au Musée des beaux-arts de Montréal pour présenter Fragmentation, une installation d'art numérique flirtant avec l'illusion grâce à un sophistiqué système d'imagerie 3D.
Invité au MBAM dans le cadre de la première Biennale internationale d'art numérique (BIAN) qui bat son plein à Montréal, Robert Lepage s'est dit hier soir très comblé de pouvoir donner ainsi une seconde vie à sa pièce Lipsynch en puisant dans le vocabulaire des arts visuels.«C'est un grand privilège qu'ont les artistes visuels de pouvoir avoir un contact qui dure avec le public. Au théâtre, nous avons un rapport éphémère avec les gens. Fragmentation est une première tentative de photographier une oeuvre afin que le spectateur puisse la visiter», a dit le créateur du Moulin à images.
Pour Fragmentation, l'homme de théâtre a adapté trois scènes de Lipsynch pour créer une adaptation filmée grâce au ReACTOR, un système de diffusion 3D conçu par les artistes australiens Sarah Kenderdine et Jeffrey Shaw.
Grâce à 10 caméras braquées en 5 points différents, une séquence de 11 minutes tirée de Lipsynch a été captée sous divers angles. Dans cette mouture filmique, on voit donc s'enchaîner trois scènes en boucle, mettant à l'avant-plan un neurochirurgien aux prises avec l'alcool et une chanteuse de jazz s'adonnant à une performance vocale.
Fruit d'un ingénieux jeu de perspectives, Fragmentation dévoile au spectateur déambulant autour de six écrans disposés en cercle les facettes différentes d'une même scène. La vision circulaire du spectateur en déplacement met à nu l'astuce scénique qui donne vie à des objets épars, grâce à une audacieuse illusion d'optique. Par le jeu des caméras, un bureau d'hôpital devient tour à tour piano, puis table dans un club de jazz.
Dans la version originale de Lipsynch, créée en 2007, ce télescopage visuel était rendu possible grâce à l'écran géant disposé en arrière-scène. Le ReACTOR, lui, plonge littéralement le spectateur à quelques mètres de l'action. «Lipsynch était tout à fait adapté à la pensée du ReACTOR. C'est une autre façon pour le public de s'immerger dans l'oeuvre de Lepage», soutient Richard Castelli, producteur de Lepage pour l'Europe et le Japon, qui a offert au metteur en scène de se lancer dans cette aventure numérique.
Quant au procédé ReACTOR, d'abord conçu pour présenter en 3D du contenu à caractère scientifique, il est ainsi utilisé pour la troisième fois à des fins artistiques. En 2008, ce système stéréoscopique avait servi à créer Unmakeablelove, une oeuvre inspirée de Beckett, imaginée par les concepteurs Jeffrey Shaw et Sandra Kenderdine, puis Double District, une création de Saburo Teshigawara, réalisée à partir de ses chorégraphies.