Pièces d'identité

Le jeune Anakin Skywalker dans La menace fantôme, le premier épisode de la saga Star Wars en ordre chronologique. La vie du Jedi, de ses origines sur Tatooine à ses choix d’adulte qui le mènent au côté sombre de la Force, sert de base à un parcours de 10 vidéos au cœur de l’exposition Identités.
Photo: Lucasfilm Le jeune Anakin Skywalker dans La menace fantôme, le premier épisode de la saga Star Wars en ordre chronologique. La vie du Jedi, de ses origines sur Tatooine à ses choix d’adulte qui le mènent au côté sombre de la Force, sert de base à un parcours de 10 vidéos au cœur de l’exposition Identités.

Science, identité, cinéma: une improbable combinaison? À voir le rigoureux processus créatif et scientifique à l'origine de l'exposition Star Wars — Identités, c'est plutôt la notion de septième art qui prend tout son sens. Véritable chevauchée identitaire au cœur des personnages et des archives du célèbre univers signé George Lucas, l'exposition s'offre une première mondiale dès jeudi prochain au Centre des sciences de Montréal.

À une semaine de l'inauguration de Star Wars, l'archiviste de Lucasfilm Laela French se glisse entre les cartons béants et les vitrines interactives de la salle d'exposition encore en chantier, où dorment quelque 200 objets originaux de la série culte tout juste arrivés de Californie — costumes, dessins, accessoires...

Au détour d'un corridor, elle désigne les célèbres droïdes R2-D2 et C3PO qui attendent l'arrivée de leurs fans. L'exposition cache bien d'autres de ces «trésors spéciaux», glisse-t-elle, certains n'étant même jamais sortis du Skywalker Ranch.

Ces artéfacts ne sont toutefois que la pointe de l'iceberg. Car l'exposition bilingue, entièrement conçue à Montréal et validée par Lucasfilm, aborde le sérieux thème de l'identité en décortiquant la vie des héros de Star Wars devenus quasi légendaires depuis la sortie du premier long-métrage en 1977. Les films et leur pendant télévisé Clone Wars étant une variation identitaire sur le mythe du héros, marier la science à La guerre des étoiles allait de soi pour l'équipe derrière Identités.

«George Lucas a fait un mythe pour notre siècle», résume Geneviève Angio-Morneau, muséologue et conceptrice de l'exposition. Le travail du mythologue américain Joseph Campbell, qui s'est penché sur la notion de héros dans ses ouvrages, a d'ailleurs influencé le réalisateur. «Ce n'est pas surprenant que la pop culture utilise Star Wars pour expliquer aux jeunes certains principes de psychologie car il y a les notions d'enseignement, de mentors, de valeurs, du bien et du mal...»

Un parcours scientifique


Mise sur pied en deux ans de dépoussiérage d'archives, Star Wars — Identités peut se comparer à une analyse cinématographique, avance la muséologue. Le principe est simple: grâce à des explications scientifiques rigoureuses sur ce qui influence l'identité, notamment la génétique et la culture, les visiteurs peuvent mieux comprendre ce qui oriente une vie humaine, tout en utilisant le vécu des personnages de Star Wars pour illustrer la théorie.

«On a établi une trame thématique de 10 composantes de l'identité [espèce, culture, amitié, valeurs...] qu'on voit très bien dans les films, et on les a regroupées en trois grands thèmes qui suivent la chronologie de développement de n'importe quel humain, de la jeunesse à la vie adulte», explique Geneviève Angio-Morneau.

Chaque composante, comme la génétique par exemple, a sa propre série d'objets d'archives qui l'expliquent visuellement — comme l'esquisse inédite Luke as a girl —, de même qu'une vidéo scientifique explicative où les vies d'Anakin Skywalker et de son fils Luke servent à illustrer la théorie. «On a réussi à trouver des extraits où les dialogues, l'action, traitent exactement de cet élément-là de l'identité. On suit les deux héros jusqu'à la fin de leur vie adulte, jusqu'à leurs choix finaux.»

Une quête interactive

Histoire d'impliquer les visiteurs dans l'exposition, le Centre des sciences les invite à accomplir une «quête interactive identitaire» en choisissant une espèce Star Wars de départ — entre humain et extraterrestre humanoïde —, puis en faisant leurs propres choix au fil du parcours. «On est entrés dans un processus plus créatif, comme celui d'une oeuvre de fiction. On a décidé de remettre aux visiteurs la création du héros qui sommeille en eux», sourit Geneviève Angio-Morneau. Les enfants et même les parents se laisseront prendre au jeu pour devenir, qui chevalier Jedi, qui pilote de chasse Ewok.

Grâce à un bracelet interactif remis à l'entrée, le visiteur pourra s'identifier à chacune des dix stations au moyen d'un simple scan, puis devra répondre à une question — selon ses propres valeurs ou dans la plus pure fantaisie — pour ainsi bâtir son propre profil.

«C'est en soi une quête pour se découvrir et pour définir sa propre identité, explique Mme French, qui travaille depuis 11 ans pour Lucasfilm. Même ceux qui ne connaissent pas l'univers Star Wars sont guidés à travers le processus. Une façon amusante d'explorer ce qui rend les gens uniques.»

Cette «relecture» des films par la science a pour objectif de susciter le questionnement et la discussion, le thème identitaire étant de facto particulièrement nuancé. Le travail a d'ailleurs été colossal, explique la muséologue, pour s'assurer que l'exposition ne brosse aucune «grande vérité»: «On ne pouvait pas trop s'aventurer dans les notions cliniques parce qu'on n'en a pas l'autorité, ni celle de poser des diagnostics.» Le contenu a donc été validé par un comité scientifique de Montréal constitué de professionnels issus de différentes écoles — neuropsychologie, biochimie, éducation...

Au terme de l'aventure, avec une puce reliée à une base de données compilant les résultats, les visiteurs pourront visualiser leur personnage sur un mur interactif et s'envoyer leur profil par courriel pour... le partager sur Facebook. «Ce que les gens partagent sur les réseaux sociaux, c'est surtout leur identité. Ils essaient d'affirmer ce qu'ils sont», dit Geneviève Angio-Morneau. Bon à savoir, surtout si des Twi'lek, Ewok et autres Wookies envahissent dans les prochaines semaines votre fil d'actualités virtuel.

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