Rapport du CALQ - La culture au temps du numérique
La culture, comme bien des choses, se numérise, et le Québec devrait désormais en tenir compte en adaptant ses programmes d'aide et de soutien à la création, en encourageant ces nouvelles formes d'expression artistique, mais également en favorisant le développement des nouveaux outils de diffusion de cette culture 2.0, suggère le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) au terme d'une vaste consultation pilotée dans le milieu des arts et des lettres.
L'organisme, invité par la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, à prendre part à ce chantier de réflexion — baptisé projet @LON, pour Arts, Lettres et Option numérique —, juge d'ailleurs dans un rapport dévoilé hier que cette «mise à jour» est inévitable pour faire face à la mutation culturelle et sociale en cours, mais également pour permettre à la culture québécoise de trouver sa place et de rayonner dans des univers numériques où l'anglais affirme là aussi sa suprématie.«Les technologies numériques modifient notre rapport aux arts et donnent aujourd'hui un accès universel à la culture, dit Yvan Gauthier, président du CALQ. Et, dans ce contexte, l'enjeu est important: comment s'adapter pour que la culture d'expression française, et particulièrement celle du Québec, trouve sa place dans cette nouvelle réalité.»
Dans un document d'une quarantaine de pages remis à la ministre il y a quelques jours, le CALQ reconnaît que des transformations importantes sont déjà perceptibles dans la sphère culturelle, transformations poussées par des technologies qui «ont changé fondamentalement notre rapport au temps et à l'espace», mais aussi par de «nouveaux modes de distribution, [qui] réduisent le rôle des intermédiaires traditionnels» et auxquels les artistes et organismes culturels semblent particulièrement bien répondre.
Un sondage mené dans le cadre du projet @LON, auquel la Société de développement des entreprises culturelles a aussi participé, indique en effet que 80 % des artistes, dans tous les champs de la culture, passent désormais par un site Web pour diffuser, promouvoir et mettre en marché leur création. Les deux tiers ont même investi les réseaux sociaux pour cette diffusion, un espace fréquenté également par 37 % des artistes pour de la création-production.
Nouveau quotidien, nouveau cadre, le CALQ suggère donc que le Québec se dote «d'une stratégie numérique de la culture» et «adapte la structure du réseau gouvernemental de la culture aux exigences engendrées par les technologies numériques». L'organisme réclame également des investissements afin de développer les infrastructures numériques, avec ou sans fil, partout au Québec, pour permettre à cette culture de circuler.
Le CALQ a lui-même amorcé la mutation qu'il préconise avec la création, il y a quelques mois, d'un secteur spécifique, en son sein, spécialisé dans les arts numériques. Ce nouveau pan du Conseil devrait se mettre réellement en mouvement en avril prochain, dit son président. L'organisme réclame d'ailleurs que Québec le reconnaisse officiellement et le soutienne financièrement.
L'artiste Luc Courchesne, créateur numérique dont une oeuvre-hommage à McLuhan est présentée actuellement à la Société des arts technologiques, s'est réjoui hier de la teneur du rapport tout comme de la direction que prennent aujourd'hui les discussions sur l'appui de la culture numérique au Québec. «Une stratégie numérique pour la culture, c'est une nécessité, et tout le monde semble aujourd'hui le comprendre, dit-il. Le milieu culturel a souvent été consulté sur ce sujet. Mais, cette fois, nous sommes allés au fond des choses en sortant des guerres disciplinaires traditionnelles. Il y a unanimité: nous sommes tous entrés dans un nouveau monde et, désormais, nous devons nous adapter».