Et si la biodiversité passait par l'art?

La nouvelle entité muséale se prépare à accueillir le Centre sur la biodiversité de Montréal (printemps 2011) et son bataillon de 50 chercheurs, un tout nouveau Planétarium (été 2012) et un Biodôme et un Insectarium requinqués à temps pour le 375e anniversaire de Montréal.
Photo: Source: muséums nature de Montréal La nouvelle entité muséale se prépare à accueillir le Centre sur la biodiversité de Montréal (printemps 2011) et son bataillon de 50 chercheurs, un tout nouveau Planétarium (été 2012) et un Biodôme et un Insectarium requinqués à temps pour le 375e anniversaire de Montréal.

Sentir plus qu'apprendre, agir plutôt qu'observer. Et si la biodiversité passait par l'art et le geste citoyen? Tel est le nouvel adage des Muséums nature de Montréal, qui ont confié à un groupe d'artistes le soin d'insuffler une vision créatrice aux institutions, qui formeront d'ici 2015 «l'Espace pour la vie». Un espace qui aspire à devenir le plus vaste musée à ciel ouvert consacré à la biodiversité.

En dévoilant leur «plan de vie» il y a un an, les Muséums nature de Montréal avaient déjà révélé l'ampleur des investissements prévus. Pas moins de 190 millions, injectés pour rafraîchir les cinq institutions et animer l'ingrate mer de béton créée lors de la construction du Stade olympique. Voilà maintenant que l'organisation pousse la métamorphose jusqu'à saborder son nom pour adopter, dès janvier prochain, la nouvelle étiquette plus évocatrice, Espace pour la vie.

La nouvelle entité muséale se prépare à accueillir le Centre sur la biodiversité de Montréal (printemps 2011) et son bataillon de 50 chercheurs, un tout nouveau Planétarium (été 2012) et un Biodôme et un Insectarium requinqués à temps pour le 375e anniversaire de Montréal. D'ores et déjà, les instigateurs du projet misent à fond sur la fibre artistique pour donner à l'ensemble un visage unique.

Cocréations sans carbone

Depuis septembre, trois artistes boulonnent à temps plein pour accoucher d'une bible «créative» pour ce futur Espace pour la vie, qui fera appel aux sens et à la cocréation avec les citoyens. Vaste programme. «On veut en faire le plus grand projet de cocréation avec les citoyens. Il faut utiliser le potentiel créatif de Montréal pour créer un mouvement unique au monde. On veut créer des lieux immersifs, et des lieux de solidarité, en proposant un nouveau rapport de l'homme à la nature», soutient Charles-André Brunelle, directeur du futur Espace, qui aspire à ce que les citoyens de l'Est se réapproprient la zone honnie du Stade olympique.

«On veut recréer la côte Morgan, où les gens de l'Est allaient glisser l'hiver. Il faut recréer un sentiment d'appartenance. Le public ne sera pas spectateur, mais acteur de ce mouvement», observe l'homme qui a donné naissance à la Tohu, devenu depuis un pôle créatif, environnemental et communautaire dans le quartier Saint-Michel.

Le trio créatif recruté par l'Espace pour la vie se compose du scénographe Stéphane Roy, qui a travaillé pour le Cirque du Soleil (CDS), de l'artiste designer et créatrice d'environnements interactifs Melissa Mongiat et de K, une artiste «des sens» dont l'exposition O.N.E. Objets non enfouis vient de prendre l'affiche à la Biosphère.

Pour l'instant, ces créateurs tentent de créer des liens organiques entre les quatre musées et de transformer l'immense esplanade du Stade en terrain de jeu écologique, propice aux envolées créatives. De nombreuses propositions sont déjà sur la planche à dessin, dont celui de transformer le toit du futur Planétarium, un vaste plan incliné, en lieu de glissade durant l'hiver. En été, l'esplanade sera reverdie par des plantations mobiles, qui permettraient de changer la configuration des lieux selon les besoins.

Jardins à cuisiner, arbres sur roulettes, véhicules à propulsion humaine, camping urbain: la boîte à idées est en pleine effervescence pour faire revivre la dalle de ciment. «Est-ce qu'on ira chercher des gens du quartier pour réaliser le mobilier urbain de façon artisanale? L'esplanade sera une immense oeuvre de vie collective», soutient Stéphane Roy, qui a créé les scénographies des productions Varekaï et Zumanity du CDS et, plus récemment, de l'exposition consacrée à Otto Dix, au Musée des beaux-arts de Montréal.

Le vent créatif soufflera aussi sur les espaces intérieurs, notamment au Biodôme, où sera érigé un «poumon central» en hauteur pour redécouvrir l'architecture magistrale de l'ancien vélodrome. Les créateurs de projections de Moment Factory seront mis à contribution. Le triumvirat rencontrera d'ailleurs cette semaine l'explorateur Jean Lemire pour échanger sur sa prochaine expédition autour du monde, qui sera au coeur des activités au Centre sur la biodiversité de Montréal. «Il faut que les gens quittent leur tête pour aller vers les sens. L'approche doit favoriser une expérience en profondeur, pas seulement une impression superficielle», soutient K.

«Dans cet Espace pour la vie, le côté participatif implique qu'une partie du projet nous échappe et que l'on ne contrôle pas», note aussi Mélissa Mongiat, que le magazine Wallpaper a désignée en 2007 comme l'un des dix designers les plus prometteurs de la planète.

À Londres, Mongiat a notamment créé sur des trottoirs des chaises berçantes interactives, conteuses d'histoires pour ceux qui s'y assoient. Pour promouvoir le London Philarmonic Orchestra, elle a créé sur la voie publique une fosse d'orchestre fictive, où chaque chaise émettait la partition d'un instrument une fois occupée. L'oeuvre musicale n'était révélée dans son intégralité que lorsque tous les sièges étaient habités, obligeant les passants à se mettre de la partie pour jouir de la musique. À Montréal, elle a projeté sur la façade du pavillon des sciences de l'UQAM une oeuvre d'art musicale que les passants pouvaient modifier depuis leur téléphone cellulaire.

Selon Charles-Mathieu Brunelle, dès cet hiver, un premier geste collectif sera lancé pour animer ce vaste Espace pour la vie. Le public sera invité à créer sur l'esplanade une forêt temporaire avec les sapins de Noël dont on se sera défaits. En mars, le tout sera passé à la moulinette pour produire un paillis destiné à une distribution collective.

«On est souvent placés en situation d'impuissance et victimisés par rapport au sort de la planète, conclut M. Brunelle. Là, on veut convier les gens à relever leurs manches, à mettre leurs baskets, pour participer à de véritables chantiers de création.»

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