Entre l'arbre et la lumière

Née à Strasbourg en 1978, la photographe Catherine Pachowski joue avec la notion de vrai et de faux, tout en se passionnant, dans l’ensemble de son travail, pour les arbres. Le conteur Fred Pellerin l’a rencontrée à Paris.
Photo: Catherine Pachowski Née à Strasbourg en 1978, la photographe Catherine Pachowski joue avec la notion de vrai et de faux, tout en se passionnant, dans l’ensemble de son travail, pour les arbres. Le conteur Fred Pellerin l’a rencontrée à Paris.

À Paris.

Une photographe.

Je m'attendais à une personne sombre et angoissée.

Puis elle est arrivée,

En souriance.

Rien d'affligé.

Toute de blondes et bleus,

Par couettes et par yeux.

Respectivement.

Catherine Pachowski.

Pachowski.

Du Bas-du-Fleuve?

«Non.»

Aucun lien avec Rimouski, donc?

Plutôt de provenance lointaine et généalogique de Polonie.

Sans trop de souvenirs

de là-bas.

En France depuis longtemps.


***

Elle fait des photos.

J'en avais croisé déjà.

Des «clics!»,

comme des gestes arrêtés.

Et qui font des images

surprenantes.

Déroutantes.

Avec du beau, oui,

Mais, surtout, avec du difficile à nommer

Dans le sentiment

qu'elles procurent.

Des photos où il y a des arbres, presque toujours.

Même que

quand je lui demande pour son premier appareil photo,

Elle m'ajuste le tir.

«C'est pas la bonne question.

Tu devrais plutôt me demander pour mon premier arbre.»


C'est là que ça a commencé.

Premier dessin d'arbre,

Un branchage bizarre

qu'elle m'a refait sur un coin de la table

Et qui lui avait fait gagner

un concours de dessin.

Elle avait neuf ans.


Et sa première lumière?

À la naissance.

Me précisant

qu'elle n'a pas crié.


Pour ce qui est de la Polonie dans son nom,

Elle n'y est retournée

que bien tard.

Seulement après

le démurement.

Elle m'explique que

tout n'était plus pareil.

«Quand un mur tombe,

la lumière change beaucoup.»


La lumière dans ses photos,

«Elle est toujours vraie»,

me dit Pachowski.

À travailler sans flash,

sans réflecteur ni projecteur,

Elle trouve en cherchant,

surtout,

Ou sur les petits chemins

de la patience.

Toujours vraie, donc, la lumière

Avec, pourtant, toujours l'air

si artificiel.

C'est ce qu'on remarque, d'ailleurs,

Cette impression de faux.

Qui participe sans doute

à créer le malaise

La lumière naturelle,

Saisie dans son moment

démasqué.

Même dans

Le Passage de la tour,

Où l'on voit cette porte

grillagée d'où provient

une grande lueur,

Pas de lumière ajoutée?

«Cette porte, c'était celle de la deuxième enceinte du donjon,

Avec le soleil qui tapait

juste dedans!»


***

Catherine Pachowski baigne dans un nouveau projet

Qui débouchera

sur une exposition en 2011.

On peut déjà y sentir

l'ambiance,

Si on flâne sur son site Internet.

(prénom+nom.com)

Et qu'on clique

sur la galerie des

Promenades de la montagne.


Elle revient d'un mois passé au Château de la Roche-Guyon,

À y vivre et s'en imprégner,

À en tirer des images.

Toutes prises

dans le jardin anglais.

Un anglais qu'on comprend?

«Les jardins sont bilingues!

précise-t-elle.

Puis la lumière,

c'est comme l'espéranto!»

Le grand plaisir qu'elle y a pris,

Parce que sous tous ces arbres,

Les ombres valsaient

toute la journée.


Dans ses photos,

il y a souvent des gens,

Des objets,

Des costumes.

Et ce sont là

toutes des invitations

Et des trouvailles faites

sur les lieux.

Des rencontres

entre le gardien du château

Et un oiseau empaillé

du salon des curiosités,

Une fillette du village avec la robe d'une amie sosie...

«Souvent, dit-elle, l'objet

de départ se perd en chemin.

C'est un prétexte, et on l'oublie, et on s'amuse.»


Parce qu'elle s'amuse,

Pachowski?

Malgré l'étrangeté qui coule dans sa lentille,

Elle m'assure que oui.

Et les gens qui travaillent

avec elle s'amusent aussi.

«Je prends des photos

pour témoigner

de ce qui a l'air faux,

mais qui est vrai.»

Et ça nous brasse

l'inquiétante étrangeté,

Celle-là, la même sans doute, dont jasait Freud

à un moment.


***

Le geste figé, oui,

Et aussi quelques vidéos.

Comme celle de La Mire

Où l'on observe

un coussin carreauté.

À se dire qu'une photo

aurait pu faire l'affaire.

Pour finalement y voir

de plus près.

Et découvrir qu'il respire,

ce coussin.

Qu'il pourrait même se lever debout, s'il fallait.


Il y a la Fillette aux pigeons,

aussi,

Où l'on voit

Dans un montage en désordre de séquences courtes

Des pigeons qui viennent

se prendre dans les cheveux d'une enfant,

Comme dans un cauchemar,

Et la main insistante de la mère

Qui n'en finit plus de replacer les mèches

de sa petite barbie.

Personne qui ne se sauve,

Et la boucle qui continue.

Ce sentiment de malaise,

toujours, qui nous revient.


Pauvre petite fille blonde.

Sans doute

qu'elle devenait folle?

Et la photographe qui rit,

devant moi.

Quand je lui dis que ça ne se peut pas qu'il y ait du plaisir

à faire ça.

Elle m'envoie les siens

dans les miens,

D'yeux.

Et me demande si je veux

vraiment savoir.

- Oui.

- La petite, elle se marrait

à ne plus vouloir s'arrêter!


***

Pachowski du Bas-du-Fleuve?

Non.

Mais elle me dit avoir entendu parler d'une résidence par là.

Et qu'elle aimerait bien

y cueillir

Les arbres et la lumière.

À voir en vidéo