Arts médiatiques - Perte de signal gagne du terrain

Ils étaient jeunes et effrontés. Pleins d'idées et de volonté. De savoir-faire, sûrement aussi. Puisque, après de multiples projets brouillant le paysage traditionnel des arts médiatiques, le groupe Perte de signal est encore là. Et il reçoit désormais ce qu'il a récolté. Le Conseil des arts de Montréal, en faisant de lui un des finalistes du Grand Prix, le reconnaît comme un des principaux joueurs dans le domaine.
«Nous étions cinq, nous finissions l'université et on ne s'identifiait pas aux centres d'artistes existants, dit Robin Dupuis, membre fondateur de Perte de signal. C'est sur cette base qu'on a voulu se donner des moyens, de faire ce qu'on avait envie de faire, de répondre à nos ambitions.»Le groupe, qui comprenait aussi à l'époque Julie-Christine Fortier, Isabelle Hayeur, Rémi Lacoste et Sébastien Pesot, voulait diffuser, simplement, son art. Ça fait plus de dix ans, et, depuis, les choses ont évolué. Les images en monobande d'hier ont cédé la place à des oeuvres sans images, toutes en sons et bruits.
Fondé en 1997 comme collectif d'artistes, le groupe est vite devenu un organisme voué à la promotion des arts médiatiques. Membre désormais du Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec, Perte de signal n'en garde pas moins une identité propre, entre la marginalité et l'innovation. Ainsi, n'est-il pas un centre de diffusion, sans avoir vraiment de lieu à lui pour diffuser? Le local où il vient d'emménager, sis dans un des bâtiments de l'Est de la ville connus pour leur forte concentration d'ateliers d'artistes, est d'ailleurs le seul ayant un accès direct à la rue. Entrez par derrière, S.V.P.... Robin Dupuis et son acolyte Jason Arsenault n'en sont pas peu fiers. Après la visite des lieux, on comprend tout de même que le local sert, à l'occasion, de salle de diffusion. Quand même.
Des cinq artistes fondateurs, seul subsiste Dupuis. Un peu comme si ce mandat ancré dans le défrichage des terrains imposait un éternel renouvellement. Perte de signal est d'ailleurs apprécié, selon les commentaires du Conseil des arts de Montréal, «pour son travail assidu auprès de la relève en arts médiatiques et le développement de la discipline».
Perte de signal est arrivé presque comme un cheveu sur la soupe. Le milieu des arts visuels, peu tourné vers les arts médiatiques, n'était pas encore prêt à l'accueillir. Du côté des arts médiatiques, la vidéo et le cinéma tardaient à s'adapter aux nouvelles réalités.
«Ils fonctionnaient selon un créneau de production cinématographique, selon de vieux modèles traditionnels, explique Robin Dupuis. Les centres en arts médiatiques avaient été créés dans les années 1970 afin de donner accès à un équipement, de montage, par exemple, autrement inaccessible. Nos besoins étaient différents, le problème de l'équipement n'existait plus. Les artistes commençaient à avoir leur équipement à la maison.»
Recherche et diffusion
Les besoins propres à une communauté naissante de créateurs multimédias n'étaient pas liés à la production, mais à la promotion. Ou, comme le dit Robin Dupuis, le travail de ces artistes nouveau genre consistait en «un tout», qu'il fallait mener de A à Z.
«Oui, nous faisions de la recherche, de la production. Mais nous ne croyions pas que l'aspect diffusion, présentation du travail, devait être relayé à quelqu'un d'autre. Ça faisait partie de notre travail. C'était un tout.»
Une des premières actions consiste à organiser des projections, à envoyer les oeuvres aux différents festivals de vidéo et de cinéma. L'accent est mis sur des oeuvres monobandes. Puis, Perte de signal commence à produire ses propres expositions, de groupe et en solo. En 2002, trois expos sont organisées, dont Hors-ligne à la maison de la culture Côte-des-Neiges et Perte de signal à Paris. L'installation nouveaux médias est désormais la forme privilégiée, période qui aboutit à une année 2007 faste, avec la publication du catalogue de dixième anniversaire, Répertoire, et une expo majeure au centre d'exposition de Saint-Hyacinthe, Projectiles.
Depuis, avec l'arrivée de membres plus portés par l'audio, Nelly-Ève Rajotte et Érick d'Orion pour ne nommer qu'eux, Perte de signal se tourne plus que jamais vers l'art sonore. Le projet Chroniques donne toute la mesure des efforts du groupe pour instaurer la création audio comme quelque chose à exposer. Les oeuvres de cinq artistes étaient encore exposées en janvier à la maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce, dans une salle aménagée pour le confort des visiteurs, casques d'écoute et fauteuils confortables à l'appui. Le défrichage de terrain passe aussi par les oreilles.
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Collaborateur du Devoir