Le clown est triste

Le flocon de neige est petit mais il va généralement très loin. Parlez-en à Vyacheslav Ivanovich Polunin, connu sous le nom de Slava. De son Novosil natal, petite ville froide de 4000 âmes située à 400 km au sud de Moscou, il a imaginé il y a 15 ans un conte fabuleux prenant le désespoir d'un clown comme drame de fond. Une idée un peu loufoque qui depuis lui a fait faire le tour du monde, avec un autre arrêt à Montréal, où cette semaine dans le cadre du festival Juste pour rire, la création du «plus célèbre clown du monde» — livrée désormais par un autre artiste — a une fois de plus fait retomber en enfance une salle bondée.
C'est sans doute l'heureux destin du Slava Snowshow, ce spectacle familial qui, en une succession de tableaux, relate pourtant les derniers jours d'un clown dépressif qui veut se soustraire à son monde, un monde extraordinaire où les murs deviennent des paquebots, où les toiles d'araignée prolifèrent dangereusement et où des clowns à chapeau branlant aiment semer la zizanie. Le tout dans un ensemble grandiose, malgré l'économie de moyens évidente qui caractérise cette production.Mais la poésie d'une fable peut parfois tenir à pas grand-chose: un mouvement de sourcil, une pluie de confettis, un chapeau qui danse au rythme des pas, des chaussures trop grandes, une fausse tempête de neige, un porte-manteau démonstratif, comme l'illustre chaque soir Slava — campé ici par le Torontois Derek Scott — et ses acolytes sur la scène du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Le clown triste est revenu y distiller sa mélancolie après une première apparition en 1999, puis une deuxième en 2002.
Nouvelle mouture de ce voyage tragi-comique aux 5000 représentations, le Slava Snowshow poursuit donc sa quête de sens avec une proposition captivante qui se promène entre l'art du théâtre et celui du cirque avec des touches de mime — du bon mime! — et de bouffonnerie. Et ce, en restant bien sûr dans les limites de ce qu'un spectacle grand public, construit pour émouvoir, faire sourire et amuser les foules dans des zones culturelles variées, peut porter.